"Le rôle d'un Premier ministre est d'agir en tant que leader et non en tant que mannequin". On trouve de belles perles (ou pas) dans l'espace commentaires de cette publication du magazine féminin et fashion finlandais Trendi. L'objet de ces pépites sexistes ? Un portrait pourtant élégant et sobre de la Première ministre du pays, Sanna Marin, portant sur ses épaules un blazer noir.
Oui, Sanna Marin, la plus jeune cheffe de gouvernement au monde, membre du parti social-démocrate estimée pour son ambition, ses valeurs (elle a grandi avec deux mamans et n'hésite pas à revendiquer un discours inclusif) ou encore ses propos alertes sur la crise sanitaire. Oui, mais ce n'est pas cela qui inspire ses ardents détracteurs aujourd'hui : ceux-ci fustigent plutôt son port... du décolleté.
D'où les remarques suscitées par ce cliché abondamment commenté. Sur Instagram, d'autres internautes parlent volontiers de "crédibilité érodée", de "politique d'image" ou de "manque de professionnalisme". Carrément. Jamais à court d'observations paternalistes, certains critiquent même les bijoux qu'elle arbore - un collier fantaisiste - entre deux "Elle est politicienne ou mannequin ?".
Comme quoi, il en faut peu pour susciter les remarques déplacées.
Beaucoup de bruit pour rien donc. Qui plus est, ce n'est (hélas) pas la première fois que Sanna Marin suscite les commentaires les plus sexistes. Lors de sa nomination en décembre 2019, d'autres esprits étroits ne se privaient déjà pas de commenter son physique sur Twitter, la qualifiant de "chaudasse". Un beau concours d'éloquence qui trouve aujourd'hui son pendant moralisateur du côté de Trendi, où bien des voix masculines semblent savoir ce qu'une femme politique doit être - ou pas.
Heureusement, derrière le bruit médiatique, le soutien se fait également entendre. Et il est sororal. "Elle a du goût et le sens du style", "Superbe photo de notre premier ministre. Mesdames, n'oubliez pas de vous habiller dans un sac à l'avenir, en particulier sur les photos de magazines, afin que votre compétence ou votre fiabilité ne soit pas remise en question en raison", "Bien souvent, les femmes reçoivent de tels commentaires sexistes de la part des hommes. Je pense que l'on pourrait simplement enseigner à ces hommes de meilleures manières", peut-on par exemple lire sur le page de la revue.
"Ça doit être horrible de vivre quand juste un peu de peau suscite de telles réactions", ironise à l'unisson une autre internaute sur Instagram. Et sur Twitter, le mot-clé #Imwithsanna ("Je suis avec Sanna") génère des réactions de soutien tout aussi chaleureuses. "La seule opposition que les conservateurs finlandais savent exprimer à l'encontre de leur première ministre est de critiquer son jeune âge ou son physique. Messieurs, nous sommes militantes politiques pour nos idées, pas notre physique", commente une jeune militante féministe.
Autre ironie de la situation, Sanna Marin évoque justement dans son interview - car il n'y a pas qu'une photo à l'origine, rappelons-le - "la pression et l'épuisement" qu'elle peut éprouver dans son quotidien pro. On s'en doute, ce ne sont pas les observations toujours aussi fines d'une partie de son audience masculine qui l'apaisera.