"Au fait, mon nom est Vanessa Nakate". La faute est pour le moins "curieuse", et la réponse cinglante. Le 24 janvier dernier, l'agence de presse mondiale Associated Press a relayé son shooting d'une conférence sur l'urgence climatique prenant place à Davos. Y participaient de nombreuses et jeunes militantes écologistes, comme la bien connue Greta Thunberg, mais aussi Luisa Neubauer, Isabelle Axelsson, Loukina Tille et Vanessa Nakate. Mais cette dernière, une activiste ougandaise très influente, s'est retrouvée purement et simplement effacée du cliché. Le photographe a effectivement jugé bon de recadrer ses photographies de sorte à ce que Vanessa Nakate n'y apparaisse plus. Une décision bien dérangeante.
Ce flagrant délit de racisme, la jeune femme de 23 ans ne le supporte pas. L'Associated Press, de son côté, s'est permis un léger mea culpa. L'espace d'un article, l'agence s'excuse pour cette "terrible erreur" qui aurait provoqué "une introspection et des conversations tendues sur les questions de racisme et d'inclusion". Une réponse qui arrive après bien des réactions indignées.
"Ce vendredi, cinq représentant·es du mouvement écologiste Fridays For Future ont tenu une conférence de presse à Davos. Une agence de presse a choisi de modifier l'image en y supprimant Vanessa Nakate. C'est totalement inacceptable à bien des égards", a par exemple décoché Greta Thunberg sur son compte Instagram. L'activiste suédoise de 16 ans, et figure de proue du mouvement Youth for Climate, soutient sa consoeur militante et dénonce cet abus photographique. Pour Vanessa Nakate, ce n'est pas une "terrible erreur", mais bien pire que cela. Du côté de Twitter, elle réplique à l'adresse de l'Associated Press : "Vous n'avez pas juste effacé une photo, vous avez effacé un continent".
Une pique des plus légitimes. Car qui aurait l'idée de "supprimer" Vanessa Nakate ? Cela fait plus d'un an que cette vingtenaire milite pour la cause écologiste. Elle est la fondatrice du Rise Up Movement, le mouvement pour la défense et la protection de la planète en Ouganda. De ses premières manifestations à sa prise de parole à la Conférence de Madrid sur les changements climatiques en 2019, Vanessa Nakate n'a cessé de faire porter sa voix. Elle n'a rien d'une anonyme, et ce ne sont pas ses dizaines de milliers de followers (sur Twitter et Instagram) qui nous contrediront. D'autant plus que, notoriété ou pas, "il existe d'innombrables jeunes militants qui luttent pour le climat dans le monde, et ils ont tous des noms, et des histoires à raconter", comme l'a affirmé Greta Thunberg sur Twitter. Raison de plus pour respecter leurs histoires, leur existence et leurs noms.
Bien sûr, les explications n'ont pas manqué. A en lire l'agence de presse, ce recadrage aurait été effectué afin de supprimer un élément trop "distrayant" de la photographie - à savoir, le bâtiment devant lequel se tenait l'activiste ougandaise. Difficile à avaler. Jamie Margolin, elle, n'en croit pas un mot. L'activiste américaine de 18 ans, instigatrice du mouvement écolo Zero Hour, ne s'est pas privée de fustiger cette "retouche" sur les réseaux sociaux en déclarant : "Cet effacement des personnes de couleur engagées dans le mouvement climatique est inacceptable ! C'est malheureusement quelque chose qui dure depuis très longtemps. Médias, il faut faire mieux !".
Nombreuses sont les voix à prolonger cette réflexion, telle cette internaute anonyme, qui trouve ce montage à la fois "raciste" et "cynique", effaçant en un clic "la diversité du mouvement des jeunes pour le climat".
Aujourd'hui, du côté de l'Associated Press, où l'on parle volontiers "d'erreur de jugement", l'heure est à la remise en question. "Vanessa, au nom de l'AP, je souhaitais dire combien je suis désolée que nous ayons recadré cette photo. C'est une erreur de notre part, nous avons fait taire votre voix, et nous nous en excusons. Nous allons tous travailler dur pour en tirer des leçons. J'espère que nous pourrons devenir une meilleure organisation de presse à l'avenir. La diversité et l'inclusion doivent être nos plus hautes priorités", a déclaré sa rédactrice en chef et vice-présidente Sally Buzbee.
"C'est plus qu'une mauvaise erreur sur une photo. Nos valeurs sont de couvrir le monde - pas le monde blanc, mais le monde entier", a poursuivi à l'unisson Gary Pruitt, le PDG de l'AP. A ce communiqué, on préférera les mots de la principale concernée, énoncés à l'encontre de sa jeune audience : "Ne soyez pas effrayé·e de hausser la voix. Ne le soyez jamais".