Imaginez un film qui commence comme un "Very Bad Trip" au féminin et s'achève sur un torrent de larmes. Ca, c'est l'expérience que vous propose la très prometteuse cinéaste lesbienne Molly Manning Walker avec son tout premier long : "How to have sex", la nouvelle sensation du ciné british, publisitée de partout, à découvrir en salles depuis ce 15 novembre.
Et pour une fois, l'enthousiasme est légitime. Car on est pas vraiment ressorti indemne de cette chronique d'une jeune fille vierge en vacances avec ses deux meilleures amies qui entre deux (ou plutôt, six) bouteilles de vodka et quatre soirées très incendiaires sur la piste de danse va se prendre en pleine face les injonctions à la sexualité, la pression qui en émane, et également... Une violence que nous tairons ici mais qui vient renverser l'oeuvre.
Sur le papier, "How to have sex" prend l'héritage des teen movies, ou coming of age movies, ces films d'ados et de post ados ne pensant qu'à l'alcool, au fun et au sexe, d'autant plus en vacances. Mais autant vous dire que malgré ce postulat on est loin, très loin de "American Pie 2".
Car cette perle est une claque féministe.
Pourquoi foncer voir "How to have sex" ?
Pour ses actrices et notamment sa protagoniste, Mia McKenna-Bruce, interprète de Tara, vierge complexée du film. Une comédienne qui parvient à glisser de la frénésie (dialogues hurlés, agitations diverses) à un sentiment plus introspectif et dramatique. Au fil des "péripéties", gagnant en intensité, elle nous emporte avec elle, centre palpitant d'un récit dont le spleen monte comme une vague.
C'est un talent spontané qui fait l'effet d'une révélation, de celles qu'a pu nous offrir le ciné indépendant brut de décoffrage : nous vient par exemple à l'esprit une autre claque, le Fish Tank d'Andrea Arnold, et sa stupéfiante Katie Jarvis.
Mais "How to have sex", c'est aussi une expérience sensorielle : corps malmenés par l'alcool à foison, bande sonore électrisante qui nous donne l'impression de déambuler dans un nightclub 80 minutes durant, et... A l'unisson de ce que vont vivre les protagonistes du film, retour de bâton d'une gueule de bois qui après avoir chopé notre tête s'en prend impitoyablement à notre coeur.
Le coeur, c'est ce qui vise la cinéaste déjà célébrée (à Cannes notamment) Molly Manning Walker. Elle fait partie de ces noms de réalisatrices que l'on retiendra de 2023, aux côtés de l'Ecossaise Charlotte Wells, la metteuse en scène de Aftersun, l'autre bombe émotionnelle de l'année. La cinéaste saisit la sororité de ces copines "BFF" en épousant l'euphorie qu'elles éprouvent... Avant de faire monter une toute autre pression, insidieusement.
Le ton évolue à mesure que le film dévoile son discours : aborder la course à la sexualité, la pression que l'on fait subir aux jeunes filles, le soi disant Graal du dépucelage, certes, mais aussi... La notion fondamentale de consentement. On pense à un autre grand film féministe dès lors : le dévastateur Promising Young Woman. Deux oeuvres qui s'exercent à aborder frontalement cet enjeu capital, chacune à leur manière... Et sans craindre de nous dévaster. Entre les images, c'est un cinéma très alerte qui s'écrit, queer, militant, générationnel, un regard féminin au plus proche des affects de ses héroïnes.
On a guère envie d'en dire plus : foncez soutenir ce geste de cinéma.