De livre nécessaire à film-phénomène.
Ca, c'est le destin du Consentement. Récit par Vanessa Springora de l'emprise et des abus dont elle fut victime à seulement 14 ans dans le Paris des années 80, son agresseur se nommant Gabriel Matzneff. Choc en librairies il y a trois ans, devenu en 2023 un choc en salles, sous la caméra de Vanessa Filho.
Dans ce film sorti le 11 octobre dernier, on suit là encore l'ado Vanessa (Kim Higelin), dévorée par Gabriel Matzneff (Jean-Paul Rouve). Mais la réalisatrice déploie des choix radicaux et étonnants à travers sa mise en scène, qui confèrent à l'ensemble une complexité différente.
Et un public s'y est retrouvé : celui de TikTok !
Car si sur le réseau social privilégié des jeunes générations, les vidéos dédiées au film abondent depuis des jours et des jours. Des vidéos courtes qui prennent la forme de reviews ou de recommandations. Les utilisatrices du réseau ont conféré à cette oeuvre une dimension inattendue : celle d'un film viral.
Constat déployé par Mélanie Toubeau de la chaîne La manie du cinéma : "Pourquoi le film Le Consentement a vu une envolée de ses entrées en salles de +40% ? Entre autres grâce à une trend TikTok où des jeunes se filment avant et après avoir vu le film. Les gens se filment avant et après avoir vu le film, avec le son de la bande-annonce... Et ça fonctionne DE FOU.".
Tant et si bien que fin octobre, en troisième semaine d'exploitation, Le consentement voyait son score au box office tripler ! Et cela a beaucoup ému Jean-Paul Rouve. Qui s'est exprimé...
Sur les ondes de RTL, l'interprète - plutôt hallucinant il faut l'avouer - de Gabriel Matzneff n'a pas caché son émotion. Le 4 novembre dernier, il a réagit à cette surprenante dimension "phénoménale" et cet engouement d'un jeune public : "C'est un cas d'école, depuis que je fais ce métier, je n'ai jamais vécu ça".
"J'ai appris via mes enfants qu'il se passait quelque chose sur TikTok. Ils se conseillent entre eux d'aller voir le film !... Et ce film, c'est le meilleur outil possible pour prévenir les jeunes filles", a poursuivi le comédien.
Et ce, malgré des séquences très crues, comme celles, insoutenables, relatant l'intimité des protagonistes ? Ce n'est pas forcément un problème, souligne l'acteur.
On l'écoute : "Il vaut mieux que ce soit dur à voir, que dur à vivre par la suite. On en sort différent et on en parle après". C'est un point important à évoquer car les choix de réalisation de Vanessa Filho font beaucoup réagir. Notamment son rapport à la nudité et à l'explicite. Christine Angot par exemple a détesté cette facette qui à l'entendre contredit le discours tenu.
On rappelle ses mots, déployés sur Inter : "Comme il fallait que l'actrice soit majeure pour qu'on puisse la dénuder, l'image devient l'alliée objectif de Matzneff, qui n'en demandait pas tant, et qui doit bien se frotter les mains..."
"Sur le sujet, on peut faire ou des films de guerre ou des films porno. Là, il y a des tremblements érotiques, des culottes blanches Petit Bateau qui volent. Une lumière David Hamiltonisée"
Des choix qui font l'objet de réflexions moins virulentes. On recommandera par exemple cet échange plus modéré et passionnant entre la réalisatrice Vanessa Filho et la journaliste féministe Victoire Tuaillon, instigatrice et narratrice chez Binge Audio des podcasts Les couilles sur la table et Le coeur sur la table.
Quant au succès du film, il est très intéressant à décrypter. Même la presse anglophone s'y met ! Le prestigieux magazine Variety, d'ordinaire davantage obnubilé par le cinéma hollywoodien, a dédié une analyse à ce sujet. Outre-atlantique, on commence à se captiver pour Le consentement...
Jean-Paul Rouve lui-même ne se remet guère du choc.
Auprès de Pierre Lescure, lors de la sortie du film déjà, il relatait l'expérience éprouvante que fût cette composition inhabituelle : "Quand je voyais des acteurs dire 'oui, je rentre chez moi avec le rôle', je me disais qu'ils en faisaient trop... Et puis, en fait, je me suis rendu compte que... quand je rentrais chez moi le soir, c'était comme si j'avais joué toute la journée dans la boue et que je voulais prendre une douche. Une douche de la tête !"
"Il y a aussi un journaliste qui m'a dit durant la promo du film : 'Vous savez, je connais bien Matzneff, moi... Et c'est plus compliqué que ça'... Ah !" "Bah non, c'est pas plus compliqué que ça en fait. C'est un homme de 50 ans avec une gamine de 14 ans. C'est pas compliqué"