La polémique qui secoue Bollywood depuis plus d'un an a récemment atteint son paroxysme avec la sortie du film Padmaavat de Sanjay Leela Bhansali sur les écrans indiens. Selon ses détracteurs- en l'occurrence des extrémistes hindouistes- le long-métrage raconterait une idylle fictive entre un sultan musulman et une princesse hindoue du royaume du Rajasthan au 14e siècle. Le scénario s'inspire d'un poème du 16e siècle écrit par Malik Muhammad Jayasi.
Dans l'oeuvre littéraire, la princesse Padmaavati choisit de s'immoler par le feu pour échapper à l'union avec le sultan, qui aurait tué son époux. Bien que le réalisateur ait assuré à plusieurs reprises qu'aucune scène de ce goût ne figurait dans son oeuvre, (il a même retardé la sortie du film pour le faire visionner à un comité d'historiens), les fondamentalistes hindous sont montés au créneau en dénonçant une atteinte à l'image de Padmaavati, divinité religieuse très vénérée dans la religion hindoue.
Alors que le scénario du film de Bhansali relève de la pure fiction et ne se réfère à aucun événement historique particulier, les extrémistes (parmi lesquels des radicaux de la caste des rajputs hindous) militent violemment contre la diffusion de ce film dans les salles de cinéma indiennes. Après avoir réclamé l'arrêt du long métrage, ils réclament désormais la tête de l'actrice principale Deepika Padukone ainsi que celle du réalisateur Sanjay Leela Bhansali... au sens propre. Un membre du parti du Bharatiya Janata, parti de droite nationaliste hindou, a en effet offert plus de cent millions de roupies (environ 1,2 millions d'euros) en récompense à celui qui décapitera ces deux noms du cinéma.
Jeudi 25 janvier, jour de la sortie du film, les cinémas projetant le long métrage étaient placés sous haute surveillance policière. En janvier 2017, date de début du tournage, le plateau avait été saccagé. Pour éviter les émeutes, les gouverneurs d'État du Nord ont tenté d'empêcher la sortie du film avant de voir leur requête rejetée par la Cour suprême.
Depuis, de nombreuses manifestations ont eu lieu dans les rue du Nord de l'État. Un bus scolaire a même été attaqué. Une centaine de femmes a par ailleurs menacé de s'immoler si le film sortait sur grand écran."Le gouvernement doit soit interdire le film, soit nous donner la permission de nous suicider", ont-elles déclaré à la chaîne de télévision indienne Times Now.
Cette polémique demeure aussi violente qu'infondée, puisque les radicaux s'insurgent sans même avoir vu le film. Mais elle illustre bien le conflit indien entre hindouistes (communauté religieuse majoritaire du pays) et musulmans (deuxième communauté religieuse la plus importante en Inde) qui font l'objet de fortes tensions, ravivées depuis l'arrivée au pouvoir du nationaliste hindou Narendra Modi, Premier ministre du pays depuis mai 2014.