Si le premier tour des élections municipales laissait envisager une (toute relative) montée en puissance des femmes (et ce malgré un phénoménal taux d'abstention de 55,36 %, coronavirus et confinement obligent), notamment grâce aux victoires d'Anne Hidalgo, Martine Aubry ou encore Johanna Rolland, force est de constater que la position de Maire se décline encore trop rarement au féminin. Et c'est dommage, si ce n'est désolant.
Libération faisait le même constat il y a peu : qu'importe la commune ou le parti, les candidates qui se présentent aux élections municipales font face à de trop nombreux obstacles. Les chiffres le démontrent, au sein de la scène politicienne, l'on observe tout un "parcours amer pour être maire". Et parmi toutes celles qui s'engagent dans la course, certaines doivent finalement choisir entre être maire... ou être mère.
Aujourd'hui, c'est France Culture qui nous rappelle la réalité de ces inégalités professionnelles, un cinglant taux à l'appui : dans le monde, l'on dénombre seulement 10 % de mairies gérées par des femmes. Les raisons ? Manque flagrant de candidates, sexisme ordinaire du milieu, discriminations diverses, refus de la parité de la part des partis... Alors que les Français se disent en majorité favorables à l'éventualité d'une femme présidente de la République (à 71 % !), l'actualité internationale s'avère bien moins enthousiasmante.
Non, le compte n'y est pas, s'attriste la radio francophone. C'est encore Achim Steiner, administrateur du Programme des Nations unies pour le développement, qui le fustige : "Les efforts qui ont été si efficaces pour éliminer les disparités en matière de santé ou d'éducation doivent désormais évoluer pour affronter les préjugés profondément enracinés (tant chez les hommes que chez les femmes) contre une véritable égalité". A l'écouter, "les politiques actuelles ne suffisent pas". D'autant plus à l'heure où bien des mouvements féministes à travers le monde se mobilisent et manifestent (digitalement) pour l'égalité entre hommes et femmes.
Ces préjugés concernent le "leading" politique en général. Aux Etats-Unis par exemple, plus de la moitié des citoyens masculins s'opposent à l'idée d'une femme Présidente - et ce malgré le succès de certaines séries télévisées, comme House of Cards ou Veep. Or, parmi les villes de plus de 30 000 habitants qui ponctuent la nation, l'on dénombre 1 400 maires, nous apprend France Culture. Et parmi eux, seules 300 sont des femmes. En Europe hélas, ce n'est pas vraiment mieux, les mairesses ne représentant que 15 % de la carte. Question inclusion et inégalités professionnelles, nous n'avons pas grand chose à envier à "l'American Dream".
"Les hommes avaient toujours façonné l'image de ce que doit être un maire. Et soudain, une femme arrive et fait certaines choses autrement, les gens ont dû s'y habituer ! Il n'y a pas d'apprentissage de maire, c'est un rôle qui se construit sur le terrain. Dès le départ, je savais que j'avais besoin de temps pour apprendre le métier", explique en retour Corine Mauch, la maire de Zurich, suggérant entre les lignes le grand challenge inhérent à ses fonctions : normaliser aux yeux de la population l'idée d'une femme-maire, qui n'a plus à prouver sa légitimité. Une évidence dans le meilleur des mondes, mais pas encore en 2020.
Mais rassurez-vous, rien n'est perdu. Si les choses progressent (très) lentement à travers le globe, des événements exceptionnels surviennent parfois. Comme le sacre de Lori Lightfoot à Chicago par exemple. C'est la première fois que la troisième plus grande ville des Etats-Unis est dirigée par une femme noire - et homosexuelle. Ce sont également des femmes maires que l'on retrouve à la tête de villes emblématiques comme Seattle (Jenny A. Durkan), Atlanta (Keisha Lance Bottoms) ou encore Phoenix (Thelda Williams).
De quoi faire cogiter bien des votants. Ou des partis. "Je déplore que tous les partis ne jouent pas le jeu de la parité. C'est à eux d'expliquer aux femmes qu'elles sont capables", déplorait dans les pages de Libération Karine Franclet, la Conseillère Régionale d'Aubervilliers. Et l'avocate Emmanuelle Haziza, ancienne candidate LR, de le fustiger à l'unisson : "Où sont passés les idéaux, les convictions et le respect quand la moitié de la population française est reléguée au second rang quand il s'agit de responsabilité politique ?".
A méditer.