Pakistan, Yémen, Royaume-Uni, Cambodge, Guatemala, Kenya : tels sont les pays parcourus par Jeannette Bougrab au cours des six derniers mois. De ce périple à travers le monde, l’ancienne secrétaire d’État à la Jeunesse sous le gouvernement de Nicolas Sarkozy a ramené un documentaire poignant et édifiant de 90 minutes. Baptisé « Interdites d’école », il sera diffusé ce 3 décembre à 20h55 sur Canal+. À travers ce film, Jeannette Bougrab se fait la porte-parole des 65 millions de filles qui n’ont pas accès à l’éducation dans le monde.
« Ma mère, née en Algérie il y a soixante ans, fut interdite d’école. Elle était l’aînée de sa famille, et quand elle se sauvait pour aller à l’école, sa mère, ma propre grand-mère, la rattrapait et la battait pour qu’elle s’occupe de ses frères et sœurs », raconte l’ancienne ministre dans les colonnes de Télé 2 Semaines. « C’est ma mère qui m’a toujours poussée à faire des études et qui a fait de moi une femme libre », confie-t-elle encore au Parisien. Mais outre cette histoire personnelle, c’est une affaire qui a fait la Une des médias internationaux en octobre 2012 qui a convaincu Jeannette Bougrab de l’intérêt de l’initiative. « Quand j’ai appris qu’une jeune fille au Pakistan, nommée Malala Yousafzai venait de subir un attentat pour avoir défendu le droit à l’éducation pour les filles (…), j’ai voulu comprendre pourquoi ce droit fondamental est encore contesté et entravé dans le monde. L’école est bien plus que la transmission du savoir. Pour les femmes l’éducation leur offre la possibilité de défendre leurs droits, pour refuser le mariage forcé ou pour porter plainte contre le viol. Elle permet de conquérir la liberté », insiste-t-elle.
Et si son documentaire compile des témoignages d’adolescentes privées ou ayant été privées de leur scolarisation – le prix Nobel de la paix 2014 Malala Yousafzai ou encore Nada, cette petite Yéménite de 11 ans qui a échappé à un mariage forcé –, l’exploit de Jeannette Bougrab réside surtout dans le fait d’avoir pu approcher et interviewer les bourreaux à cause desquels ces millions de jeunes filles ne reçoivent pas l’éducation qui leur est due. « J'ai voulu restituer la complexité de certaines situations en donnant aussi la parole à ceux qui se battent contre l'éducation des filles, comme Sami Ul Haq le chef des talibans responsables de l'attentat contre Malala Yousafzai », explique l'ancienne présidente de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde). Et de poursuivre : « Il ne cherche pas à justifier la destruction des écoles par le refus de l'éducation pour les femmes mais par la revendication d'une autre forme d'éducation : celle des madrasa, des écoles de l'islam dans lesquelles les petites filles apprennent la soumission », détaille-t-elle au Nouvel Observateur. À des milliers de kilomètres de là, dans le ghetto de Kibeira au Kenya, c’est cette fois le risque de viol encouru par les fillettes sur le chemin de l’école qui les empêche de s’y rendre.
Une situation inimaginable en France et qui nécessitait bien une heure et trente minutes pour en comprendre les tenants et les aboutissants. « Je ne veux pas que les gens pensent que ce documentaire ne les concerne pas. C’est une sorte de coup de poing ». Un « coup de poing » aussi subjectif que militant qui pourrait être projeté à titre pédagogique dans les établissements scolaires. Jeannette Bougrab en a en effet fait la demande à la ministre de l’Éducation nationale Najat Vallaud-Belkacem. Une manière de montrer aux écoliers français l’importance de l’éducation et les dangers de l’illetrisme ?