Samedi 1er février, 14 heures : le rendez-vous était pris à Paris et un peu un peu partout en France pour défendre le droit à l'IVG en Espagne, menacé par un projet de loi du gouvernement conservateur de Mariano Rajoy. À l'initiative du mouvement « La marche des femmes » et du Planning familial, des milliers d'hommes et femmes ont manifesté en soutien aux femmes espagnoles qui, depuis Madrid, se sont rassemblées pour défendre leur « droit fondamental » à l'avortement.
À Paris, le point de rendez-vous a été fixé Place Joffre, dans le VIIe arrondissement, pour permettre au cortège de se rendre à l'ambassade d'Espagne, de l'autre côté de la Seine. L'objectif ? Parvenir au retrait du projet de loi du ministre de la Justice Ruiz-Gallardon, qui réduit drastiquement le droit des femmes espagnoles à recourir à l'IVG, mais pas seulement. Laure, 24 ans, est venue manifester en famille. Avec ses deux sœurs, c'est avant tout un droit fondamental européen qu'elles sont venues défendre : « C'est important de se battre pour le droit à l'avortement en Espagne, mais aussi en France. On sait que les droits des femmes qui sont détricotés dans les autres pays sont autant de menaces pour nous ici. En tant que femmes et féministes, on est solidaires du combat des femmes espagnoles. » « Au-delà du droit à l'avortement, c'est avant tout une histoire de libertés, estime Laëtitia, 30 ans, qui défile avec une pancarte sur laquelle est inscrit « 2014 le combat continue ». Aujourd'hui, on ne comprend pas pourquoi on revient sur quelque chose qui est écrit dans les textes, qui est du ressort de l'individu. Au-delà du soutien aux femmes de Madrid, on se bat contre quelque chose qui pourrait très bien arriver en France. J'ai été très surprise de découvrir qu'aujourd'hui, dans un pays européen, on pouvait remettre en cause ce droit individuel fondamental. »
Le 20 décembre dernier, le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy a approuvé un projet de loi qui réduit considérablement les possibilités pour les femmes espagnoles de recourir à l'IVG. S'il est adopté, les Espagnoles ne pourront plus avorter qu'en cas de viol - si elles portent plainte - ou en cas de danger prouvé pour leur vie ou leur santé physique ou psychologique. Dans ce cas, le diagnostic devra être certifié par deux médecins différents.
Un inimaginable retour en arrière pour la présidente du collectif féministe contre le viol (CFCV), Emmanuelle Piet. Des aiguilles à tricoter (symbole des avortements clandestins) figées dans son bonnet, elle explique : « Le droit à l'avortement est un minimum commun de droit auquel chaque femme européenne devrait avoir accès. C'est un droit qui aujourd'hui est menacé par la montée des conservatismes, voire des intégrismes. Ça me fait très peur, et je suis très contente qu'il y ait du monde aujourd'hui. »
Selon le Planning Familial, 30 000 manifestants étaient présents dans la capitale. Partis politiques (PS, EELV, PCF, Parti de Gauche, NPA), organisations syndicales et associations se sont joints au mouvement, parmi lesquels Osez le féminisme, qui défile en rangs serrés derrière une bannière. Pour Anne-Cécile Mailfert, porte-parole de l'association, « défiler en nombre aujourd'hui montre qu'il y a une vraie communauté féministe européenne qui est en train de se cimenter autour du droit à l'IVG. On a des camarades d'Osez le féminisme qui sont en ce moment même à Madrid. Il y a apparemment plus de 100 000 personnes, et elles sont là-bas avec ce tsunami de femmes et d'hommes qui manifestent pour soutenir le droit à l'avortement. » Pour OLF, le retrait du projet de loi Ruiz-Gallardon n'est qu'une première étape. « Pour les élections européennes, il faut que les listes et les programmes des partis qui veulent siéger au parlement prennent en compte les droits des femmes, et qu'émerge une Europe des droits des femmes avec l'intronisation, dans la charte des droits fondamentaux de l'UE, du droit à l'IVG. Ce que nous souhaitons, c'est que demain la cour européenne des droits humains protège le droit à l'IVG comme un droit fondamental des femmes. »