Avec Jean-Luc Godard, on ne sait jamais vraiment où se situe la limite entre vérité et second degré. Connu pour ses sorties provoc' et récemment primé à Cannes pour L'Adieu au langage qui lui a valu le Prix du Jury, le cinéaste suisse a accordé au Monde un long entretien au cours duquel il évoque ses rapports conflictuels avec le monde du cinéma, parle philosophie et donne son point de vue tout personnel sur l'actualité politique.
Interrogé sur les dernières élections européennes, le réalisateur phare de la Nouvelle Vague ne cache pas sa satisfaction face aux scores réalisés par le FN. « J'espérais que Front national arriverait en tête », dit-il avant d'ajouter : « Je trouve que Hollande devrait nommer - je l'avais dit à France Inter, mais ils l'ont supprimé - que Marine Le Pen Premier ministre » pour « que ça bouge un peu. Pour qu'on fasse semblant de bouger, si on ne bouge pas vraiment. Ce qui est mieux que de faire semblant de ne rien faire (rires). »
Pourtant, explique Jean-Luc Godard, s'il se félicite des scores réalisés par Marine Le Pen et les autres candidats FN, il n'est « pas pour eux ». « Il y a longtemps, Jean-Marie Le Pen avait demandé que je sois viré de France. Mais j'ai juste envie que ça bouge un peu… Les grands vainqueurs, ce sont les abstentionnistes. J'en fais partie depuis longtemps. »
Ce n'est pas la première fois que Jean-Luc Godard évoque dans les médias son penchant pour les idées du Front national. Déjà en plein Festival de Cannes en mai dernier, le réalisateur avait déclaré à France Inter : « Autant mettre Marine Le Pen à la présidence, on regarde pendant cinq ans ce qui se passe et puis on la vire. »
Dans l'entretien qu'il a accordé au Monde, Jean-Luc Godard ne se montre pas non plus franchement tendre avec l'industrie du cinéma, et surtout pas avec le Festival de Cannes où il a refusé de se rendre malgré sa sélection en compétition officielle pour L'Adieu au langage.
À propos de Xavier Dolan et son Mommy, avec lequel il partage le Prix du Jury, Godard n'y va pas par quatre chemins. « Regardez ce prix donné à Cannes, à moi et à Xavier Dolan que je ne connais pas. Ils ont réuni un vieux metteur en scène qui fait un jeune film avec un jeune metteur en scène qui fait un film ancien. Il a même pris le format des films anciens », estime-t-il. Avant de poursuivre : « Les neuf dixièmes (des réalisateurs d'aujourd'hui, ndlr), je ne les connais pas. À Paris, je n'ai plus envie de rôder dans les rues pour aller voir un film. Juste peut-être le film syrien montré à Cannes, et puis le film de Sissako, j'avais vu Bamako en DVD... Mommy, je n'irai pas. Je sais ce que c'est. Les trois quarts des films, on sait ce que c'est juste par le petit récit qu'il y a dans Pariscope. "Un aviateur aime une dentiste..." ».