Pour Pauline Imbault, le mode de vie zéro déchet n'a plus vraiment de secret. Cela fait déjà plusieurs années que la jeune Parisienne de 28 ans vit en produisant le moins de déchet possible. Dans sa cuisine, des bocaux, un lombricomposteur, des produits frais dans son réfrigérateur, un lot d'assiettes, de verres et de couverts et deux ou trois ustensiles suffisent amplement. Le reste de son appartement est pensé de la même façon : pas besoin de produits d'entretien ménager, puisqu'elle nettoie tout au vinaigre blanc et au bicarbonate de soude. Quant à sa salle de bain, tous les produits qu'elle utilise tiennent dans une trousse de toilettes, à l'exception de quelques plaquettes de médicaments.
Quelques années plus tôt, Pauline Imbault découvre le livre de Colin Beavan, "No Impact Man", qui répond à la question existentielle : "Peut-on sauver la planète sans rendre sa famille dingue?". L'ouvrage, qu'elle dévore, lui fait prendre conscience qu'être écolo ne se résume pas à trier ses déchets, et que le champ des possibles en matière d'écologie est en réalité bien plus large. Sa vision de la société et du monde changent radicalement : peu de temps après, elle découvre le zéro déchet, une pratique qui consiste- comme son nom l'indique- à jeter le moins de choses possible. La jeune femme découvre également que, bien plus qu'un mode de vie, le zéro déchet se réfère à une véritable philosophie. Philosophie qu'elle expérimente en réalisant un service civique chez Zero Waste France, association créée il y a 20 ans qui milite pour la réduction et une gestion plus durable des déchets.
Quand elle termine ses études, Pauline Imbault a fait de l'écologie sa véritable vocation. Sa carrière prend un tournant décisif lors de la première édition du Festival Zero Waste, qui a lieu en juillet 2016 au Cabaret Sauvage, à Paris. Le succès de l'événement et l'engouement des visiteurs pour le zéro déchet amènent les organisateurs à créer un lieu permanent dédié à ce mode de vie : La Maison du Zéro Déchet. Emballée, Pauline Imbault propose sa candidature pour coordonner le projet. Elle ne tarde pas à décrocher le poste.
Inaugurée en juillet dernier, la Maison du Zéro Déchet met à disposition des visiteurs toutes sortes d'alternatives pour leur permettre de réduire leurs déchets. Boutique, ateliers "do it yourself" pour fabriquer ses propres produits bio ou un lombricomposteur, espace projections-débats... C'est dans ce lieu insolite situé au coeur du quartier pittoresque de Montmartre que nous rencontrons Pauline Imbault, qui a accepté de répondre à notre "interview écolo".
Oui, complètement. Quand on s'investit dans l'écologie, on devient plus sensible à l'environnement et au monde qui nous entourent. Cela nous amène à nous poser des questions sur beaucoup de thématiques, comme la pauvreté, la protection des enfants... et le féminisme en fait partie. Quand on se rend compte de ce qu'il se passe aujourd'hui dans nos sociétés dans les rapports hommes-femmes, c'est difficile de ne pas prendre position. Surtout quand on est une femme. Je suis davantage devenue sensible aux représentations de la femme dans nos sociétés.
Je n'hésite d'ailleurs pas à envoyer des messages aux marques quand j'estime que leurs publicités stéréotypent les femmes. L'autre jour, je suis tombée sur une newsletter de marque de sous-vêtements qui disait être dans une démarche de développement durable. Sur la pub en question, il y avait deux femmes à la morphologie identique, des femmes très minces. J'ai tout de suite répondu à l'email en expliquant que ce n'était pas possible de faire ça, a fortiori pour une marque qui se revendique "écolo". Ça devient antinomique. Je n'ai évidemment rien contre ces femmes que je trouve très belles. Seulement voilà, nous ne faisons pas toutes une taille 34.
Pour moi, tous les combats ont la même importance dès lors qu'il s'agit d'écologie. C'est à mon sens la définition même de ce mot. C'est un tout.
Je ne sais pas si elle peut jouer un rôle spécifique, mais en tout cas, on remarque qu'ici à la Maison du Zéro Déchet, il y a beaucoup plus de femmes que d'hommes qui poussent notre porte. À mon avis, cela est dû au fait que quand on parle d'écologie, on touche à notre mode de vie. Et malheureusement, je pense que, encore aujourd'hui, la femme gère plus le foyer que l'homme, même quand les deux travaillent. Mais, en attendant que les choses évoluent, faisons de cette faiblesse une force, en la mettant au service de l'écologie. Après, d'une manière plus générale, je pense qu'il n'y a pas de différence entre les femmes et les hommes car la préservation de notre planète s'étend à l'humanité toute entière.
Colin Beavan, pour son livre "No Impact Man" et Pierre Rahbi pour sa philosophie de "sobriété heureuse". Et puis bien sûr, Flore Berligen, présidente de l'association Zero Waste France.
Faire au mieux. Mais faire, surtout. Arrêter de se cacher derrière les grandes marques et les grandes industries, même si c'est très facile de s'en prendre uniquement au consommateur du bout de chaîne. Mais on a quand même un pouvoir en tant que consommateur. Il faut donc s'en servir.
Déjà, bien comprendre qu'il est impossible de ne pas en faire du tout. Par exemple, avec mon conjoint, nous recyclons environ 5 bouteilles par semaine, et inévitablement, nous jetons encore quelques détritus plastiques. ll faut avoir une vision globale des choses et ne pas être zéro-déchet jusqu'au-boutiste, car cela peut devenir contre-productif. Le zéro déchet n'est pas une dictature mais un mode de vie, une philosophie à adapter selon nos valeurs.
Parfois, il vaut mieux acheter un produit emballé mais moins impactant pour l'environnement qu'un autre produit qui ne serait pas emballé, mais beaucoup plus nocif pour la planète. Personnellement, je considère le zéro déchet comme une porte ouverte sur d'autres modes de vie : c'est notamment par ce biais que je me suis initiée à la permaculture et à la sobriété heureuse.
Cela me semble tellement évident aujourd'hui de préserver notre environnement, qu'affirmer qu'il est inutile d'agir dans ce sens revient ni plus ni moins à faire l'autruche ! Quand bien même, je lui dirai que même si l'homme n'était pas directement responsable de la dégradation de l'environnement, il peut être responsable de son amélioration. Et ça, c'est un argument incontestable, il me semble.
Réfléchir à ce dont on a vraiment besoin et se challenger en se disant qu'on peut se passer de certaines choses. Il faut y aller petit à petit, en remplaçant des habitudes par d'autres tout aussi naturelles, et tout aussi faciles à appliquer. Quand j'ai décidé d'adopter le mode de vie zéro déchet, trier mon armoire est l'une des premières choses que j'ai faite. Je n'imaginais pas le nombre de choses dont je n'avais en fait pas besoin.
Je me suis fait la même réflexion avec ma fleur de douche. J'en avais une que j'utilisais tous les jours, jusqu'au jour où elle devenue trop usée. Je comptais en racheter une autre, mais je ne l'ai pas fait immédiatement. Entre temps, je me suis rendue compte que je pouvais très bien me doucher sans. Du coup, je n'en ai jamais rachetée. J'ai fait pareil avec plein d'autres objets qui traînaient dans mon appartement.
Mon inventivité, je pense. Le fait d'avoir peu de choses à portée de main décuple la créativité et ce, dans tous les domaines. Dans la cuisine, par exemple. Parfois, je n'ai qu'un paquet de riz. Du coup, je sais tout de suite ce que je vais me préparer à manger. Et pour ne pas me lasser, j'expérimente toutes sortes de recettes que je n'aurais jamais pensé à cuisiner avant. Même chose avec ma garde-robe : si j'ai une écharpe dans mon armoire que je n'utilise plus, je vais m'en servir comme ceinture avec la robe que j'ai prévu de mettre ce jour-là. Avant de me mettre au zéro déchet, je ne me doutais pas que je pouvais faire preuve d'autant de créativité.
À partir du moment où on arrête d'acheter des produits d'entretien, on réduit beaucoup nos dépenses. Après, c'est vrai que les produits bio ou pérennes, comme les lingettes en coton lavables par exemple, coûtent plus cher à l'achat. Mais cela réduit vraiment nos dépenses à long terme, puisqu'on achète beaucoup moins souvent de produits, en dehors des aliments. Donc, au final c'est un investissement intéressant.
Je crois que j'ai toujours plus ou moins saisi l'importance de préserver notre planète. J'ai pris conscience peu à peu de l'ampleur de ces actions, notamment en lisant des bouquins comme celui de Colin Beavan, mais surtout à mon arrivée chez Zero Waste France. C'est particulièrement à partir de ce moment que j'ai réalisé à quel point je pouvais m'impliquer en tant que consommatrice. Je dirais donc que ce fut davantage un processus qu'un déclic.
Oui. Je suis devenue végétarienne il y a quelques années, quand j'ai commencé à prendre conscience de l'impact de la consommation de viande sur l'environnement. Mais également par rapport à tout ce qu'on fait subir aux animaux. D'ailleurs, je mets quiconque au défi de se renseigner à fond sur le sujet et de continuer à manger de la viande après. Et pour les recettes, je ne sais pas si c'est ma préférée, mais j'adore les carottes et les betteraves rôties.
La Maison du Zéro Déchet
3 rue Charles Nodier
75018 Paris
Ouvert du lundi au vendredi de 12h à 20h et le samedi de 10h à 19h