Isabelle Veyrat-Masson : Rappelons que ce « sale mec » n’est pas une insulte de François Hollande, mais bel et bien une plaisanterie du candidat PS imitant Nicolas Sarkozy. François Hollande n’est pas dans le registre injurieux, il tente de se positionner comme un personnage politique qui ne dit jamais de mal des autres et n’use pas de la grossièreté. Ce que j’ai trouvé absolument incroyable n’est donc pas en soi ce propos, cité qui plus est hors contexte, mais plutôt la façon dont cette citation a été reprise, à la fois par les politiques et par les médias. Les acteurs politiques de droite m’ont en effet donné l’impression d’une mauvaise foi absolue, en s’indignant et demandant réparation au candidat PS. Cela dénote du combat politique dans ce qu’il a de plus sombre, à savoir le fait de tenir un discours non rationnel et manquant de rigueur.
I.V-M : Ceux qui ont repris cette histoire à leur compte pour la déplorer et s’indigner sont inscrits dans une stratégie de communication qui consiste à répondre immédiatement à l’adversaire sur tous les points, à tenter de le discréditer en le moquant. Une stratégie agressive qui à mon avis n’est pas gagnante au final : dans la stratégie politique, généralement, celui qui attaque perd des points, d’autant plus s’il use de violence et d’exagération. Cela n’est pas forcément un bon calcul. On a vu l’exemple du côté même des socialistes pendant la primaire : Martine Aubry et Ségolène Royal, qui étaient des candidates plus « agressives » se sont faites devancer par François Hollande, qui avait pris une position de retrait par rapport à ce type de communication.
I.V-M : J’ai été choquée par la réaction de la presse. La plaisanterie de François Hollande ne dit rien, n’apprend rien, ne dénote rien de la politique ou de la position du candidat socialiste ; et pourtant, tous les médias s’en sont emparés pour en faire leurs choux gras. Il me semble que les journaux doivent faire une sélection de l’information et ne pas donner de telles répercussions disproportionnées à un non-fait. J’ai le sentiment que nous sommes à une nouvelle étape de l’information : le off n’existe plus, la rapidité de l’information prime. Il y a une telle peur des médias de ne pas être assez réactifs et de ne pas être le premier sur l’information que l’on a l’impression que parfois trop peu de temps est consacré à la réflexion. On observe ainsi un retour à la conception du scoop. J’estime que si une information ne mérite pas d’être reprise ou que si le journaliste a mal fait son travail, sa rédaction doit le mettre à l’amende.
I.V-M : Nicolas Sarkozy a déjà beaucoup modifié lors de la dernière campagne le rapport entre le candidat à l’élection présidentielle et les médias. Le ton de la communication politique est devenu plus agressif, on a entendu pour la première fois un président user de l’argot ou se montrer plus accessible. Ce qu’il y a de particulier chez François Hollande est son goût pour les blagues et les plaisanteries, sa façon de détourner les propos pour en faire des pirouettes quand cela l’arrange et de prendre de la distance. Tout le challenge pour lui sera de concilier cette image et cette part de sa personnalité avec le personnage politique sérieux et grave qu’il se doit d’être et de montrer. Est-ce que cette dichotomie peut lui être préjudiciable ? La campagne nous le montrera.
Crédit photo : AFP
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