Alors que la dépression est la maladie mentale la plus répandue parmi les Français, elle a longtemps été méprisée et traitée à la légère. Résultat, on connaît encore mal les mécanismes de cette affliction, qui touche pourtant 3 millions de personnes rien qu'en France, selon les derniers chiffres de l'association Info-Dépression .
Des chercheurs se sont donc penchés sur leur transmissibilité afin de mieux comprendre comment se déclarent ces pathologies. Au cours de leur étude , publiée dans le journal Proceedings of the National Academy of Sciences, ils sont parvenus à cibler la partie du cerveau affectée par la dépression et l'anxiété – ainsi qu'à prouver que ces maladies pouvaient être héréditaires.
Les scientifiques ont étudié plus de 200 familles de singes rhésus sur plusieurs générations, qui en tant que nos plus proches cousins dans le règne animal, ont un cerveau tout à fait similaire au nôtre. Et ils se sont rendus compte que 35% des tendances à l'anxiété ou à la dépression étaient expliquées par les antécédents familiaux des sujets.
A l'aide du "brain mapping", les chercheurs ont alors mesuré les réactions des singes à l'anxiété afin de mieux comprendre les rouages de la dépression. Ils ont confronté des jeunes singes à une menace potentielle –ici, un inconnu qui ne les regarde pas dans les yeux, une situation de stress léger qu'un enfant pourrait avoir à affronter-, et ont ainsi pu épingler les aires cérébrales qui gèrent notre stress.
Les zones cérébrales stimulées face au stress sont toujours les mêmes : l'amygdale, le centre limbique et le cortex préfontal. Ces trois régions fonctionnent ensemble : elles forment ce que l'on pourrait appeler le "centre de la peur". Du stress léger à la véritable panique, c'est ce centre qui se charge de traiter l'information, de mesurer le danger et d'y fournir une réaction appropriée.
Sauf que chez les sujets dépressifs ou anxieux, les connections entre ces trois zones sont trop actives, sur-stimulant en permanence le centre de contrôle de la peur. "En gros, nous pensons que dans une certaine mesure, l'anxiété est un avantage évolutionnaire, qui aide l'individu à reconnaître et à éviter le danger. Mais lorsque les circuits sont hyperactifs, cela devient pathologique et provoque des problèmes d'anxiété et de dépression", a expliqué à L'Independent l'auteur principal de l'étude, le Dr Ned Kalin, titulaire de la chaire de psychiatrie de l'UW School of Medicine and Public Health.
A terme, cela entraîne des lésions de ces zones : c'est alors qu'on parle de dépression ou d'anxiété. Ce sont ces lésions qui plongent le patient dans un état de fatigue nerveuse intense, de perte de contrôle, d'anxiété exacerbée et d'une hypersensibilité maladive.
Les scientifiques se sont également rendus compte que les enfants des sujets atteints de ces troubles mentaux avaient la même particularité cérébrale que leurs parents, et présentaient les mêmes connections trop actives entre les trois zones qui gèrent le stress. Cela ne signifie pas que les enfants de dépressifs deviendront forcément dépressifs eux-aussi ; cette pathologie est déclenchée par une combinaison de facteurs, et il existe d'ailleurs des personnes sans aucun antécédent qui font des dépressions. Simplement, cette similitude cérébrale prouve que les parents dépressifs transmettent leur terrain à leurs enfants, qui ont plus de risques que les autres de souffrir de cette maladie.
C'est une avancée primordiale, dans le sens où cette information va permettre de mettre en place une politique de prévention : lorsqu'on sait qu'un patient a un terrain pour une maladie en particulier, il est beaucoup plus évident d'en surveiller les signes et de l'éviter. "C'est un beau pas en avant dans la compréhension totale des systèmes neuronaux responsables de l'anxiété et de la dépression, qui nous offre enfin la possibilité de mettre sur pied des traitements ciblés plus efficaces", s'est réjoui Kalin.
C'est tout l'intérêt de connaître ses antécédents familiaux : ils permettent souvent de couper l'herbe sous le pied de la maladie. Et alors que nous vivons dans une société où le stress se fait de plus en plus important et pressant, augmentant chaque année le nombre de cas de dépressions, on ne peut que se réjouir des résultats de cette nouvelle recherche.