C'est l'une des vidéos les plus angoissantes du terrible attentat du Bataclan partagée sur Internet. Vendredi soir, alors qu'il est chez lui, le journaliste du Monde Daniel Psenny a entendu un bruit venant du passage Saint-Pierre Amelot. Il pense d'abord à des pétards mais passe quand même sa tête par la fenêtre pour être sûr. Il assiste alors à une scène surréaliste qu'il immortalise avec son téléphone portable :
"Parfois, il y a des évacuations un peu agitées, mais là, tout monde courait de tous les côtés, j'ai vu des mecs par terre, du sang... J'ai compris qu'il y avait quelque chose de sérieux. J'ai demandé ce qui se passait. Tout le monde refluait vers la rue Amelot ou le boulevard Voltaire. Une femme était agrippée à la fenêtre du Bataclan, au deuxième étage. J'ai pensé aux images du 11 septembre".
La femme agrippée à la fenêtre du Bataclan et filmée par Daniel Psenny a largement ému les Français depuis l'apparition de la vidéo sur le site du Monde samedi 14 novembre. Suspendue à quelques mètres du sol, on peut ainsi l'entendre appeler à l'aide à de nombreuses reprises. "Monsieur, monsieur, je suis enceinte", lance-t-elle d'abord, avant d'ajouter une minute plus tard : "S'il vous plaît, je vais lâcher, je suis enceinte". L'homme cramponné à la fenêtre du dessus rentre alors à l'intérieur pour l'aider à remonter et à s'enfuir.
Depuis, la jeune femme a tout mis en oeuvre pour retrouver son sauveur. Bonne nouvelle, grâce à Twitter, ils ont pu entrer en contact.
Comme le rapporte le Huffington Post, la femme enceinte secourue au Bataclan a préféré rester anonyme, mais l'un de ses amis s'est exprimé à sa place. Un certain Frans Torreele a ainsi expliqué : "Très rapidement, elle a eu envie de remercier toutes les personnes qui ont eu un geste envers elle, et notamment l'homme qui a pris trois secondes dans sa fuite pour lui tendre la main et l'aider à remonter". Mais parce qu'elle ne pouvait pas être exposée et devait se reposer, la jeune femme a alors demandé à ses proches de publier une petite annonce sur Twitter pour retrouver l'homme qui lui était venu en aide.
Grâce au message partagé en masse sur Twitter, le sauveur a pu être identifié. Frans Torreele confie : "Le frère de l'homme qui l'a aidée m'a contacté par mail. J'ai vérifié auprès de mon amie qu'il s'agissait bien de la bonne personne, et ils ont pu échanger leurs numéros. Il va bien aussi et c'est également ce qu'on voulait savoir". Et de conclure : "Elle a été sauvée par une succession de petits gestes, de petites attentions et, dans ce moment de folie totale, ces gestes minuscules ont accompli de grande choses. On n'imagine à peine combien une main tendu, une main sur l'épaule, ont sauvé des gens. Ces gens ont besoin de se remercier, de se serrer dans les bras".
L'homme qui a aidé la jeune femme à se hisser à l'intérieur est aujourd'hui sain et sauf. Mais comme il l'a témoigné sur le site de La Provence, il a été pris en otage quelques minutes seulement après avoir apporté son aide à son infortunée voisine. Sébastien, originaire d'Arles, se souvient ainsi :
"En face de moi, il y avait deux fenêtres. À l'une d'elles, était suspendue une femme enceinte qui suppliait les gens en bas de la réceptionner si elle sautait. En bas aussi c'était le chaos. Je suis passé par l'autre fenêtre et je me suis accroché à une bouche d'aération. À 15 mètres du sol. J'ai tenu cinq minutes puis la femme enceinte, qui n'en pouvait plus, m'a demandé de l'aider à revenir à l'intérieur. C'est ce que j'ai fait. Je ne sais pas où elle est allée ensuite. Je suis retourné à ma cachette qui n'était pas la bonne : cinq minutes plus tard, j'ai senti le canon d'une kalachnikov contre ma jambe. Un des terroristes m'a dit : 'Descends de là ! Viens et pose-toi par terre !'. C'est là qu'a débuté la prise d'otages. On était une quinzaine. Du haut du balcon, les terroristes tiraient sur les gens en bas. On entendait des cris, comme des gens qui se faisaient torturer".
S'en suivent alors les "minutes les plus longues" de la vie de Sébastien. Les terroristes demandent aux otages (une quinzaine) de les mettre en contact avec iTélé ou BFMTV, sans succès. Ils entrent ensuite en contact avec un négociateur et menacent "d'abattre l'un de nous toutes les cinq minutes et de jeter le corps par la fenêtre".
L'Arlésien conclut avec émotion : "Je suis passé par tous les sentiments, l'espoir, puis l'acceptation de la mort même si je fermais les yeux pour ne pas la voir, pour ne pas voir la kalachnikov pointée dans ma direction. Les terroristes avaient placé deux boucliers humains aux portes. Le Raid est parvenu à tirer dedans sans les toucher. Ils ont ensuite enfoncé la porte avec un bélier et ont jeté une grenade assourdissante. Quand j'ai vu une deuxième grenade assourdissante tomber à mes pieds, je me suis dit que c'était le moment de m'enfuir. J'ai couru, la grenade a explosé et m'a projeté sous le bélier. Tous les membres du Raid sont passés dessus. Je me faisais piétiner mais ça a été la douleur la plus heureuse de ma vie. J'étais protégé. Comme mon pote Jeff que j'ai retrouvé plus tard, j'étais en vie".