La fessée peut-elle être interdite en France ? Laurence Rossignol a annoncé à Europe 1, lundi 7 novembre, son intention de remettre en cause cette pratique en encourageant « une prise de conscience collective ». Alors que la journée internationale des droits de l’enfant a lieu jeudi 20 novembre, la secrétaire d’État à la Famille a déclaré à la radio : « On peut être parents et se faire obéir sans recourir à la violence, surtout quand il s'agit de petits enfants. ».
« Quand on voit un homme battre sa femme, tout le monde intervient ; si on voit deux adultes qui se battent, on va essayer de les séparer ; si on voit quelqu'un qui martyrise un animal, on va intervenir et, en fin de compte, les seuls êtres vivants que l'on peut frapper sans justifier que l'on puisse intervenir, ce sont les enfants. Il y a probablement quelque chose à travailler collectivement », a expliqué Laurence Rossignol.
Au mois de mai dernier, les écologistes avaient accepté de retirer un amendement anti-châtiments corporels à la loi famille contre l’engagement du gouvernement de remettre le sujet sur la table ultérieurement. Le texte de l'amendement précisait alors que « les titulaires de l'autorité parentale ne peuvent user de châtiments corporels ou de violences physiques à l'égard de l'enfant ». Ce n’est pas la première fois qu’une telle loi est évoquée. En 2010, la députée UMP et pédiatre Edwige Antier avait déposé une proposition de loi visant à interdire les fessées et les gifles, mais celle-ci n’avait pas eu de suite.
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Le retour des pères Fouettard ?
Alors que de nombreux pays d’Europe ont déjà légiféré sur la fessée, la résistance est forte en France. D’après une étude TNS Sofres datant de 2009, deux tiers (67%) des parents français ont déclaré avoir déjà donné la fessée à leurs enfants, et 45% considèrent ce geste comme « un outil d’éducation ». Interrogés sur l’opportunité d’une loi interdisant les punitions corporelles, 82% des parents s’y étaient déclarés opposés. Un rejet encore illustré par les résultats sans appel du sondage organisé ce mercredi sur le site du Figaro.
La fessée, une exception culturelle française ? Ce refus d’une loi sur les châtiments corporels signe-t-il la persistance d’une vision ancestrale de l’éducation assimilée peu ou prou à du dressage ? Ou faut-il voir là, comme la psychanalyste Claude Halmos, qui s’inquiétait du retour des « pères Fouettard », une régression, née du rejet de l’éducation libertaire prônée par les soixante-huitards ? « Après tout ce que Françoise Dolto a accompli pour faire entendre le langage de l’enfant, la richesse de la “culture du peuple enfant”, on prône le retour à une forme de dressage. Écouter l’enfant ? Trop dangereux. Il pourrait remettre l’autorité de l’adulte en question, dire des vérités qui dérangent. Mieux vaut lui imposer des discours. Ce sera sans moi. », déclarait-elle au magazine Psychologies.
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L’interdiction de la fessée pose également la question de la frontière entre la sphère privée et la sphère publique. En 2013, beaucoup s’étaient ému du sort d’un père, condamné par le tribunal correctionnel de Limoges à une amende de 500 euros pour avoir donné une fessée déculottée à son fils de 9 ans. Le père a justifié son geste par le fait que son fils ne le saluait plus depuis plusieurs jours :« Je lui ai demandé pourquoi et il m’a répondu qu’il n’en avait pas envie. Je lui ai dit qu’il me devait le respect et, oui, je lui ai donné une fessée », a-t-il raconté, ajoutant « subir la mode actuelle qui veut qu’on ne corrige pas ses enfants ».
Pour Laurence Rossignol, légiférer n’est cependant pas la priorité. La secrétaire d’État à la Famille estime qu’il faut d’abord privilégier « la réflexion ». « Le Code civil prévoit déjà que les violences interpersonnelles sont proscrites. Il y a une dérogation pour l'exception éducative. Il faut simplement faire disparaître cette exception éducative des habitudes et des certitudes des parents », a argumenté la secrétaire d'Etat.
Compilation des scènes de fessée dans les dessins animés classiques de Walt Disney