Odile Barral : Nous pensons que c’est une bonne chose évidemment, dans tout métier il est bon d’encourager la diversité, et notamment la diversité de sexe. Cela ne concerne pas seulement la justice, mais aussi le social, la santé, l’éducation, où les femmes sont en majorité. Néanmoins, il faudrait aussi mettre sur la table la question de la diversité sociale, tout aussi importante selon moi. Peu de jeunes issus des classes ouvrières se présentent au concours de l’ENM, et c’est un réel problème. Il faut aussi souligner que la hiérarchie judiciaire est encore majoritairement masculine, il y a un effort de féminisation à engager pour les postes de Premier Président de Cour d’Appel et de Procureur Général.
O. B. : Ce n’est pas un phénomène nouveau. Je suis magistrate depuis 32 ans, et dans ma promotion nous commencions déjà à être majoritaires, alors que pendant des années la magistrature a été totalement masculine. La profession a été ouverte aux femmes en 1945, et les premières ont essuyé les plâtres… Plusieurs facteurs expliquent sans doute que les femmes soient majoritaires, et cela commence bien avant l’école de la magistrature. Les filles sont plus nombreuses sur les bancs de la fac de droit depuis des années, elles s’orientent plus vers les filières juridiques et littéraires que les garçons.
O. B. : En effet, je pense que les garçons juristes s’orientent plutôt vers le métier d’avocat que vers la magistrature en raison des aspects financiers. Il y a potentiellement une meilleure rémunération lorsqu’on est avocat conseiller ou fiscaliste. Pour autant, les conditions matérielles du métier de juge ne sont pas à mettre en cause : en début de carrière, un juge gagne 2620 euros (et près de 3600 euros au bout de six ans). Mais plus globalement le métier de juge connaît une certaine désaffection, et l’ENM s’inquiète de la baisse du nombre de candidats. Ce phénomène est lié à la manière dont le métier a été attaqué ces dernières années, et à un certain désintérêt pour des fonctions centrées sur l’aide et le service aux autres, au profit des métiers du commerce et de la finance. C’est palpable quand on voit l’affluence de jeunes dans les écoles de commerce.
O. B. : J’ai beaucoup entendu cela quand j’ai commencé, on me disait qu’un juge avait des horaires fixes, et que c’était plus facile à gérer pour une femme. Cela m’agaçait beaucoup quand j’avais 25 ans et heureusement plus personne ne pense ainsi. Les conditions de travail se sont dégradées. C’est un métier où l’on peut être sévèrement remis en cause du jour au lendemain. À l’occasion de plusieurs affaires ces dernières années, on a vu revenir ce refrain : « le juge doit payer ! ». Je pense que les jeunes craignent cette responsabilité, ils savent en tout cas que ce n’est pas du tout un métier « cool ».
O. B. : Non, un juge ne se détermine pas de manière binaire par rapport à son sexe. Il y a beaucoup plus de critères qui jouent comme les origines ou l’histoire personnelle. Et il ne faut surtout pas croire qu’une femme sera plus clémente avec une femme et réciproquement. Cette idée est de plus en plus répandue et elle est tout à fait fausse.
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