Certains sont pour, d'autres sont contre. Paru en mars 2017, le manuel scolaire "Questionner le monde" des Éditions Hatier fait beaucoup parler de lui, presque un mois après la rentrée. C'est en effet le tout premier livre scolaire à proposer l'écriture dite "inclusive", une grammaire prônant l'égalité hommes-femmes, régie par des règles selon lesquelles le genre masculin n'a pas à l'emporter sur le féminin. Dans ce livre adressé aux élèves de CE2, on ne parle plus "d'agriculteurs" mais "d'agriculteur.trice.s", de "savant.e.s" ou encore "d'artisan.e.s". Exit les parenthèses reléguant le genre féminin en seconde position.
Interrogé ce jeudi matin (28 septembre) au micro de France Inter par le journaliste Nicolas Demorand, le ministre de l'Éducation nationale Jean-Michel Blanquer a réagi sur le sujet : "Que cette liberté soit offerte dans la vie démocratique courante me paraît compréhensible. Mais à l'école, je suis plus réservé, quand je vois toutes les difficultés qu'on rencontre à bien consolider la lecture de façon simple et accessible." "Ça me semble questionable", a ajouté le ministre, qui a manifestement choisi de jouer la carte de la prudence.
L'initiative est loin de séduire tout le monde. Parmi les plus fervents détracteurs, le philosophe Raphaël Enthoven, qui a qualifié le manuel scolaire "d'agression de la syntaxe par l'égalitarisme" et de "lifting du langage qui croit abolir les injustices du passé en supprimant leur trace", dans une de ses chroniques sur Europe 1.
Sur Twitter également, le débat est vif. La démarche des Éditions Hatier s'est notamment attiré les foudres du mouvement La Manif pour Tous. "Le mouvement à l'offensive pour imposer l'écriture inclusive est idéologique, égalitariste et même paranoïaque", peut-on lire dans un tweet publié sur le compte officiel.
Face à la polémique, les Éditions Hatier affirment s'être fondées sur les valeurs défendues par le Haut Conseil à l'égalité entre les hommes et les femmes (HCE). L'institution nationale avait en effet publié un guide en 2015 dans lequel elle affirmait qu'une communication publique dénuée de stéréotypes de genre passait notamment par l'écriture inclusive.
Le HCE a d'ailleurs félicité publiquement les Éditions Hatier : "Bravo aux @EditionsHatier qui donnent l'exemple pour une écriture inclusive et une éducation égalitaire", peut-on lire sur Twitter.
Un point de vue partagé par Eliane Viennot, professeure de littérature à l'université de Saint-Etienne. "Si nous voulons vraiment l'égalité, nous devons nous débarrasser autant que possible des travers légués par des siècles où seuls les hommes maniaient la parole publique, et le faisaient à leur avantage", considère cette femme de lettres, auteure de l'ouvrage "Non, le masculin ne l'emporte pas sur le féminin!" et signataire d'une tribune publiée début septembre sur le site de France Info.
Les Éditions Hatier ne sont pas les seules à avoir suscité une polémique en cette période de rentrée scolaire. Mi-septembre, les Éditions Nathan ont diffusé des excuses publiques après avoir publié un énoncé très douteux sur les migrants dans un manuel scolaire de mathématiques de Terminale ES.