Alors que le temps que mettent les Français pour se rendre au travail est estimé à 23,4 minutes en moyenne, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a tranché : pour les salariés itinérants, le temps passé chaque matin et soir sur les routes ou dans les transports en commun pour relier leur domicile au siège de leurs clients doit être comptabilité comme du temps de travail.
À l'origine de cet arrêt rendu public jeudi 10 septembre, un cas bien précis : celui de techniciens espagnols employés par la société Tyco, chargée de l'installation de dispositifs de sécurité. En 2011, l'entreprise avait décidé de fermer ses bureaux régionaux, privant ainsi ses salariés itinérants de lieu de travail fixe. De plus, les déplacements "domicile-premier client" et "dernier client-domicile" des salariés, pouvant excéder 100 kilomètres et dépasser les 3 heures quotidiennes étaient comptés par Tyco comme du temps de repos.
Inadmissible, selon la Cour européenne. Saisie par un haut tribunal espagnol, la justice européenne a tranché en faveur des travailleurs itinérants en exigeant que leurs déplacements soient comptabilisés comme du temps de travail. "Seul le temps des interventions sur les sites et des déplacements intermédiaires entre chaque client est pris en compte", affirme la CJUE, qui conclut que pour les salariés n'ayant "pas de lieu de travail fixe ou habituel, le temps de déplacement que ces travailleurs consacrent aux déplacements quotidiens entre leur domicile et les sites du premier et du dernier client désignés par leur employeur constitue du temps de travail".
Inédite, la décision de la Cour européenne se place en porte-à-faux du Code du travail français. Selon l'article L. 3121-4 de ce dernier en effet, le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif. Une exception : si le temps de trajet entre le domicile et le lieu de travail est considéré comme inhabituel, il doit faire l'objet d'une contrepartie (financière ou sous forme de repos) de la part de l'employeur.
Favorable aux salariés, la décision de la Cour européenne de justice sera en revanche préjudiciable pour certains employeurs, qui devront désormais inclure les temps de trajet dans le temps effectif de travail. De ce fait, "les 35 heures hebdomadaires seront dépassées et les heures supplémentaires devront être rémunérées" affirme Me Olivier Philippot. Interrogé par 20minutes , l'avocat spécialisé en droit social, les travailleurs concernés – commerciaux, formateurs, techniciens - pourront désormais demander l'application de l'arrêt à leur employeur et se tourner vers les Prud'hommes en cas de refus de ce dernier. "Avec cet arrêt, les tribunaux vont au-devant d'un certain nombre de contentieux", prévient-il.