Marie-Anne Robert : En fait, il y a une vraie consommation de vidéos sans image. Dans le métro on voit des jeunes « écouter » YouTube, sans regarder le clip. Néanmoins, Internet a fait naître une très forte demande d’images, principalement pour les réseaux sociaux. Vidéos exclusives, making-of, backstages… Les fans veulent voir l’artiste et se sentir le plus proche possible de lui. Pour nos artistes, nous organisons des chat vidéo et des livestream (diffusion en direct de concerts, et d’enregistrements en studio sur YouTube). Ce type d’interactivité avec l’artiste est très appréciée.
M.-A. R. : Pour nous, YouTube est une communauté, nous l’avons intégré comme un réseau social, au même titre que Google+, Twitter et Facebook, que nous exploitons aussi largement. Nous avons créé la branche Believe Digital Studio au sein de notre groupe pour développer cette composante vidéo. Nous gérons 2000 chaînes YouTube et Dailymotion, nous distribuons les vidéos sur les plateformes, nous les monétisons et nous assurons le développement de l’audience.
M.-A. R. : Les revenus digitaux des artistes se divisent à peu près à 50% entre le streaming et le téléchargement payant, dont la plateforme leader est iTunes. Pour le streaming, on compte les trois supports principaux : YouTube/Dailymotion, Deezer et Spotify. Les plateformes vidéo peuvent représenter pour certains jusqu'à 20% du revenu digital total, et fonctionnent uniquement grâce à la publicité, tandis que Deezer et Spotify génèrent davantage de revenus grâce aux abonnements.
M.-A. R. : Pour l’heure aucun modèle ne s’impose vraiment plus qu’un autre. Même si votre étude montre à quel point les internautes sont attachés à la gratuité, de notre côté nous croyons au modèle des abonnements, mais nous espérons aussi que les annonceurs vont se multiplier pour augmenter les revenus publicitaires. C’est déjà le cas aux États-Unis où la publicité sur YouTube rapporte deux fois plus qu’en France.
M.-A. R. : Oui, et depuis quelques années déjà. Le pouvoir de recommandation est un levier très fort pour la musique, on est beaucoup plus influencé quand un conseil émane d’un proche. En un post sur Facebook, il est possible de remplir l’Olympia en quelques minutes, c’est ce qui est arrivé récemment pour Youssoupha (@YoussouphaFAN), l’un de nos artistes qui totalise plus de 950 000 fans sur sa page Facebook.
Tf : Quels sont les enjeux induits pour les artistes, les producteurs et distributeurs ?
M.-A. R. : Pour la promotion c’est très positif. Avant, quand on sortait un album, il y avait un gros pic d’actualité pendant six mois au maximum, et puis plus rien pendant deux ans, jusqu’au prochain album. Les réseaux sociaux permettent d’occuper le terrain entre deux projets et de ne pas se faire oublier. Le point négatif, c’est que les bonnes comme les mauvaises critiques se répandent à la même vitesse. Une gaffe, une photo déplacée ou un accrochage ne peuvent plus passer inaperçus. Avec les artistes de notre label, nous sommes dans la co-gestion des pages. Nous voulons que la démarche émane de leur propre personnalité, mais nous leur donnons des conseils sur les horaires de publication pour diffuser un post, sur les photos et sur les applications à ajouter à la page, etc.
M.-A. R. : La plupart des artistes se prennent au jeu, comme Grand Corps Malade qui publie beaucoup sur Facebook, ou Youssoupha, qui est devenu accro à Twitter. Même des artistes installés comme Alain Souchon prennent le pli : il poste presque chaque semaine une vidéo sur son site. Je pense au contraire que cette présence permanente en ligne leur permet d’être vraiment créatif à moindre coût et de rejoindre leur public. Il y a beaucoup de formats de présence possibles. Wax Tailor a créé un rendez-vous avec ses fans, en partageant chaque dimanche ses coups de cœur musicaux de la semaine. Colonel Reyel, un autre de nos artistes, dîne en live avec ses fans Facebook chaque dimanche soir…
M.-A. R. : En musique, le problème est qu’il y a de moins en moins d’émissions musicales à la télévision. Taratata, CD’aujourd’hui et Chabada ont disparu. Il y a peu de fenêtres de visibilité et Internet devient en quelque sorte une « fenêtre de substitution ». Mais la radio garde toujours son avantage : sur dix artistes lancés, neuf le sont grâce à ce média. Dans ce circuit, Internet permet souvent de prendre la température, de repérer les potentiels et de soutenir les succès.
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*D’après une étude réalisée pour l’Observatoire Orange-Terrafemina par l’institut Polling Vox et l’agence Treize articles. Étude quantitative réalisée auprès d’un échantillon de 1038 personnes représentatif de l’ensemble de la population française âgée de 15 à 45 ans, interrogées en ligne du 19 au 23 août 2013. Étude qualitative Social Panel réalisée auprès d’une vingtaine de femmes très connectées issues de la communauté Terrafemina, âgées de 18 à 60 ans.
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