Alors que la France a restreint depuis le 31 mars l'usage des pilules de troisième et de quatrième génération en prenant la décision de leur déremboursement, un rapport de l'Agence européenne du médicament (EMA) vient semer le doute sur la dangerosité de ces contraceptifs oraux de dernière génération.
Dans son rapport rendu public le 11 octobre dernier, le PRAC (Comité pour l'évaluation des risques en matière de pharmacovigilance) estime en effet que « les bénéfices de tous les contraceptifs hormonaux combinés continuent d'être supérieurs à leurs risques ». Dans ce même rapport, l'EMA se prononce favorablement sur la poursuite de la commercialisation de ces pilules.
Une décision qui prend le contre-pied de celle de l'Agence nationale (Agence nationale de sécurité du médicament). Cette dernière publiait encore au mois de juin une nouvelle étude qui pointait du doigt la dangerosité des pilules 3G et 4G, qui multiplient par 2 les risques thrombo-emboliques veineux (phlébite, embolie pulmonaire) par rapport aux pilules des générations précédentes.
Le récent rapport de l'EMA fait donc grincer des dents les professionnels de santé qui, depuis plusieurs mois, souhaitent que les pilules de 3e et de 4e génération ne soient plus prescrites en première intention. Surtout, ils reprochent au rapport de minimiser les risques induits par les pilules récentes. Pourtant, note le rapport de l'EMA, le nombre d'accidents veineux est évalué à 6 à 12 cas par an pour 100 000 femmes avec les pilules 3G et 4G, contre 5 à 7 avec celles de 1re ou de 2e génération. Interrogée par Le Monde, le Dr Françoise Tourmen, formatrice en contraception et membre du Formindep, explique regretter que l'agence européenne n'ait pas adopté une attitude plus ferme en recommandant en première intention les pilules de 2e génération, « comme le préconise de longue date la revue Prescrire et la Haute Autorité de santé depuis 2007. »
Un avis partagé par le professeur Ojvind Lidegaard de l'Université de Copenhague (Danemark) : « Ma recommandation est que les femmes qui prennent une pilule de 3e ou de 4e génération changent pour une de 2e génération ou contenant uniquement un progestatif, même si elles n'ont pas de problème. Pourquoi ne réduiraient-elles pas de moitié leurs risques d'accidents thrombo-emboliques veineux ? », se demande-t-il.
En France, depuis le scandale des pilules nouvelle génération, survenu en début d'année, une femme sur cinq a changé sa situation contraceptive, et remplacé sa pilule de 3e et de 4e génération par d'autres modes de contraception.
Les ventes des pilules 3G et 4G ont, depuis la fin de l'année 2012, chuté de 36%, tandis que les ventes de contraceptifs oraux de 1re et de 2e génération ont globalement augmenté de 24,3% sur les 9 premiers mois de l'année 2013. De nombreuses femmes se sont aussi tournées vers des moyens contraceptifs non-oraux : depuis le début de l'année, les ventes de dispositifs intra-utérins non-imprégnés de progestatifs (DIU au cuivre) ont augmenté de 45,1%.
En revanche, note le ministère de la Santé, le boom des IVG tant redouté n'a pas eu lieu. La vente des contraceptifs d'urgence (pilule du lendemain) a elle augmenté de 5% entre janvier et juin 2013.