"Vive la Beurette !". C'est cet hourra quelque peu surprenant qu'a récemment décoché le compte Twitter de Xhamster. Le 14 juillet dernier, la célèbre plateforme de vidéos pornographiques s'est réjouie de voir le tag "Beurette" arriver en pôle position des requêtes les plus populaires de 2019. Et qu'on trouve-t-on quelques places plus bas ? Si l'on en croit le graphique, des termes du même acabit : "arab", "marocaine"...
Mais alors que le site pour adultes exalte (et se permet même un enthousiaste "Vive la France !"), d'autres soupirent et se révoltent. A raison. "Je refuse d'être votre fantasme sexuel, sexiste et raciste" s'indigne l'internaute @lemonvie_ sur Twitter. Son cri d'indignation et de dégoût, la twitta l'enrobe d'un hashtag virulent : #PasVosBeurettes. Un cri du coeur déjà relayé une centaine de fois sur la Toile.
"C'est la fétichisation de la femme maghrébine dans toute sa splendeur", poursuit @lemonvie_. A ses côtés, nombreuses sont celles à dénoncer cette "hyper-sexualisation " et "l'orientalisme" qui en est à l'origine. Et pour cause.
Car comme le relate le podcast Fais pas ta beurette, le mot "beurette" n'est rien d'autre qu'un "fantasme français". En 2019, on l'emploie quand il s'agit d'évoquer les jeunes femmes françaises issues de l'immigration maghrébine. Le terme est péjoratif - et libidineux au possible. S'il y a 30 ans, il n'était encore que le féminin de "beur", l'explosion du porno a participé à son sens actuel : une femme hyper-sexualisée et soumise, "dévoilée" et dépucelée par l'homme blanc, lequel serait à la fois "sauveur" et paternaliste. Bref, une sorte de "mise à jour" 2.0. de l'imaginaire orientaliste du dix-septième siècle, fait de harems, d'érotisme et de persanes.
Comme le relate la journaliste Faiza Zerouala dans un article en forme de manifeste ("Ne m'appelez plus jamais beurette "), le fantasme occidental (et post-colonialiste) de la beurette est passé de celui de la femme "docile" à celui de la femme "salope", largement popularisée au gré des clips de rap, des représentations médiatiques et des vidéos pornos. A l'origine, "'la beurette' titille la fibre héroïque de ceux qui estiment qu'ils doivent la sauver des griffes de sa méchante famille et culture pour l'émanciper, son consentement étant facultatif", apprend-t-on. Mais aujourd'hui, on l'emploie avant tout "pour disqualifier et insulter les filles aux moeurs jugées trop légères, à l'amour démesuré du maquillage et autres artifices cosmétiques, comme Nabilla ou Zahia", déplore la journaliste. Des "filles faciles", quoi.
Aux yeux de ceux qui la fantasment et la méprisent (l'un va rarement sans l'autre) la beurette est donc une "bitch" et une "garce" comme les autres. Si ce n'est que la misogynie de base se voit enrobée d'un fond de racisme bien épais : l'obsession pour "les bimbos orientales sans cerveaux". Un fétiche très "patriote" si l'on en croit les chiffres des sites de vidéos pour adultes.
"Beaucoup de racisme, mais quand il s'agit de se branler...", ironise en ce sens - et sur fond de #PasVosBeurettes - un autre internaute. On ne saurait mieux dire. Au passage, des statistiques relayées par Xhamster se dégage un autre mot-clé, qui porte tout autant à questionnement : le tag "viol". De quoi se poser quelques questions quant aux "fantasmes" des consommateurs. Mais c'est une autre histoire.