Le fondateur de la société Poly Implant Prothèses (PIP) a été mis en examen pour « blessures involontaires » par la juge marseillaise Annaïck Le Goff, qui lui a accordé la liberté sous contrôle judiciaire contre le versement d'une caution de 100.000 euros. Interpellé hier à 7h00 du matin en même temps que son bras droit Claude Couty, il a répondu devant les enquêteurs à « des centaines de questions sur sa responsabilité », a précisé son avocat Maître Haddad, qui a souligné que son client s’était montré « très coopératif » et avait décrit « le fonctionnement de l'entreprise », « les relations avec les fournisseurs », et avait détaillé « les responsabilités de chacun ».
« Témoin assisté » pour homicides involontaires
Si le chef d’ « homicides involontaires » n’a pu être établi par la juge d’instruction, Jean-Claude Mas a toutefois été placé sous statut de « témoin assisté » pour cette accusation. En droit français ce statut permet de retarder la mise en examen d'une personne qui serait considérée comme n'étant pas complètement extérieure à l'infraction, tout en respectant la présomption d’innocence. En décembre dernier, l’Inca (Institut national du cancer) a estimé que les 20 cas de cancers détectés chez des porteuses de prothèses PIP ne permettaient pas d’établir un lien de causalité. Seuls les risques de rupture et le pouvoir irritant du gel de silicone pour les tissus ont été confirmés par l’Afssaps. La juge Annaïck Le Goff pourrait toutefois ordonner de nouvelles analyses et une enquête épidémiologique.
« Tromperie sur une marchandise »
Jean-Claude Mas est sous le coup de deux procédures. La première, pour « tromperie aggravée » pourrait faire l’objet d’un procès en 2012. Une citation directe pour « tromperie sur une marchandise entraînant un danger pour la santé de l’homme » et « faux et usage de faux » concernerait non seulement M. Mas, mais aussi quatre collaborateurs de la société PIP. Claude Couty, ex-directeur financier devenu directeur général en 2003, entendu par les enquêteurs en octobre 2011, avait avoué qu’il avait pris part à la manipulation consistant à utiliser un gel industriel à 5 euros le Litre, au lieu du gel de silicone homologué à 35 euros le Litre pour remplir les prothèses mammaires. Le responsable de production, la responsable du contrôle qualité, et le responsable recherche et développement : tous sont soupçonnés d’avoir eu connaissance de l’existence des deux gels, et d’avoir participé à l’entreprise de falsification. En outre l’organisme de certification (l’allemand TÜV), et certains chirurgiens pourraient également être poursuivis.
La deuxième procédure judiciaire concerne le chef de « blessures involontaires », mais celle-ci prendra beaucoup plus de temps, afin que les avis scientifiques et les témoignages des victimes soient tous pris en compte.
2500 plaintes déposées
Pour représenter les plaignantes, les responsables des associations de victimes seront également reçues par la juge marseillaise. Murielle Ajello, présidente du MDFPIP (Mouvement de défense des femmes porteuses d'implants et de prothèses), a été entendue jeudi, tandis qu’Alexandra Blachère, présidente de l’association des porteuses de prothèses PIP (PPP) la rencontrera vendredi. L’avocat de cette association, Me Philippe Courtois, s'est félicité de cette interpellation : « C'est la mise en marche normale qui aurait pu être faite depuis le début de l'année. Rien ne l'empêchait aujourd'hui de quitter le territoire, il ne se sentait pas inquiété par la justice ».
1993-2010
Jean-Claude Mas a fondé la société Poly Implant Prothèses (PIP) à la Seyne-sur-Mer dans le Var en 1991. Dès 1993, il a mis en place un processus de fabrication « maison » d’un gel de silicone moins coûteux que le gel homologué pour une utilisation chirurgicale. Depuis 2003 il avait confié la direction générale de l’entreprise à Claude Couty, mais continuait d’être décisionnaire au sein de PIP. Dans les meilleures années, la société était le 3e producteur mondial d’implants mammaires, produisant 100 000 prothèses par an, dont plus de 80% étaient exportées. En 2010 la société a été mise en liquidation.
Entre 400 000 et 500 000 femmes sont porteuses de prothèses PIP dans le monde, dont 30 000 en France. Le gouvernement a recommandé pour toutes le retrait de ces implants.
(Source : Libération)
Crédit photo : AFP/Yves Haddad avocat de Jean-Claude Mas, le 26 janvier 2012 à Marseille
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