Jean-Claude Mas n’était pas en cavale pendant ces dernières semaines, mais chez lui, dans le Var en train de se remettre d’une opération. À 72 ans, le fondateur de la société PIP (Poly Implant Prothèses) risque de finir ses jours en prison. Il a été entendu deux fois par les enquêteurs, et pourrait être poursuivi pour « tromperie aggravée » et « homicide involontaire ». Après deux ans de silence, son avocat en dit plus sur le profil du patron de PIP.
Un délégué médical ambitieux
Des bruits couraient sur un passé de charcutier, mais plus précisément, M. Mas aurait commencé comme négociant en vins et produits alimentaires, selon des témoignages d’anciens salariés de PIP recueillis dans le journal Libération, des informations infirmées par Maître Yves Haddad, l’avocat de Jean-Claude Mas. Celui-ci évoque un diplôme scientifique et une carrière de dix ans en tant que délégué médical pour le groupe pharmaceutique Brystol-Myers.
C’est dans les années 70 qu’il rencontre Henri Arion, chirurgien esthétique toulonnais pionnier de la prothèse mammaire en France. Influencé par la réussite de celui-ci, Mas prend alors la tête de plusieurs ateliers de fabrication de prothèses, avant de créer sa propre société en 1991 : Poly Implant Prothèses.
Un gel cinq fois moins cher
Dans les années 2000 la concurrence est rude, et la société connaît des difficultés financières. C’est ainsi que PIP succombe à la tentation d’utiliser un gel de silicone non-conforme, cinq fois moins cher que le gel agréé. « PIP utilisait deux types de gels de silicone, explique Me Haddad : le gel américain Nusil, autorisé, mais aussi un gel PIP de fabrication artisanale (…). Un gel alimentaire acheté sur le marché français, qui remplissait les mêmes caractéristiques chimiques que le produit Nusil ». Selon Maître Haddad, son client reconnaît avoir utilisé un gel non autorisé, mais affirme que ce produit n’est pas nocif. Alors que les autorités de santé, notamment françaises, mentionnent les risques d’irritation et d’inflammation dues à ce gel, M. Mas répond que « cela concerne tous les gels de silicone ». Il estime par ailleurs que le risque accru de rupture de prothèse relevé par l'Afssaps (agence du médicament française), « n'est pas démontré ».
Les États-Unis donnent l’alerte dès 2000
l’avocat de M. Mas révèle également que la société PIP a été visée dès 2000 par un représentant de la FDA (l'agence du médicament américaine) qui s’était déplacé « pour attirer l'attention de PIP » sur la solidité de la poche, et la tendance à la rupture de celle-ci.
C’est ainsi que PIP n’a plus été autorisé à vendre aux États-Unis, 10 ans avant que l’Affsaps ne liquide la société varoise…
Selon Me Haddad, son client « ne souhaite pas s'exprimer » publiquement, et garde un silence de respect « pour la souffrance des gens et du fait de la procédure en cours ». Environ 300 000 femmes dans le monde seraient porteuses de prothèses mammaires PIP, dont 30 000 dans l’Hexagone. La France est pour l’instant le seul pays à avoir recommandé le retrait préventif de toutes les prothèses de cette marque.
Avec AFP
Crédit photo : AFP
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