"La démission de Gailhaguet [est] nécessaire". Une semaine après les révélations de la patineuse multi-médaillée Sarah Abitbol, accusant son ancien entraîneur Gilles Beyer de l'avoir agressée sexuellement et violée alors qu'elle n'avait que quinze et dix-sept ans, la principale concernée attend désormais de fermes mesures. Et il y en aura. Alors que son témoignage puissant (au coeur de son livre autobiographique Un si long silence) a suscité il y a quelques jours les réactions de Marlène Schiappa et de la ministre des Sports Roxana Maracineanu, celle-ci a exigé une démission : celle du président de la Fédération française des sports de glace Didier Gailhaguet.
L'espace d'un communiqué officiel, Roxana Maracineanu confronte sans détour le président à sa "responsabilité morale et personnelle". Un facteur dont il ne peut "se dédouaner", développe la ministre, pour qui le système dénoncé par Sarah Abitbol - mais également par d'autres sportives, comme Hélène Godard et Anne Bruneteaux, interrogées par le journal L'équipe - fait état "d'un dysfonctionnement général".
Bref, la fédération française des sports de glace serait une sphère vérolée par des affaires de harcèlement, d'agression et d'abus divers. Et la libération de la parole, qui déboulonne une loi du silence normalisée, ne peut se faire sans incidences.
"Je suis soulagée de voir que la ministre a pris la mesure du problème. Elle a compris que la démission de Gailhaguet était nécessaire", a réagit l'athlète dans les pages de L'obs, précisant cependant que cette procédure de retrait de la délégation n'est "pas suffisante". Pour Sarah Abitbol, cette prise de conscience doit susciter un bouleversement plus notable au sein de la fédération, ne serait-ce que pour protéger les futures éventuelles victimes. "Il est important que le ménage soit fait, et bien au-delà du seul président de la fédération. Je ne voudrais pas en revanche que les athlètes soient pénalisés, ce n'est pas à eux de payer pour des dirigeants irresponsables. Si la fédération entière devait disparaître, j'espère que l'alternative sera réfléchie", poursuit en ce sens l'ancienne patineuse artistique.
"J'ai commis des erreurs, pas des fautes", proteste de son côté Didier Gailhaguet, président depuis 1998. Une assertion qu'il lui faudra démontrer documents à l'appui, alors que la ministre des Sports Roxana Maracineanu vient d'annoncer l'ouverture d'une enquête d'inspection générale au sein de la Fédération française des Sports de Glace. Les responsabilités de chacune des instances dirigeantes seront ainsi interrogées. Dans la sphère du patinage artistique, Didier Gailhaguet ne bénéficie pas des plus fameuses louanges.
Interrogé par RTL, le patineur Gwendal Peizerat le dépeint en figure intouchable. "Il est puissant, il est craint. Tout ce qu'on dit de lui grandit cette légende. La ministre a le pouvoir de le faire sortir, mais les seuls qui ont le pouvoir de l'empêcher de revenir, ce sont les présidents de club", déplore le sportif, dénonçant au passage "le côté déviant" de Gilles Beyer.
L'annonce de la ministre retentit en parallèle des informations annoncées par le parquet de Paris. Celui-ci vient d'ouvrir "une enquête préliminaire des chefs de viols sur mineurs par personne ayant autorité sur la victime et d'agressions sexuelles sur mineurs par personne ayant autorité sur la victime au préjudice, notamment, de Sarah Abitbol", détaille le communiqué du parquet ce mardi (4 février).
Et le procureur de préciser que "les investigations s'attacheront à identifier toute autre victime ayant pu subir, dans le contexte décrit, des infractions de même nature [que celles subies par Sarah Abitbol]". Le 30 janvier dernier, Roxana Maracineanu affirmait au micro de France Inter qu'il était plus que temps "de faire en sorte que la parole se libère, que ces sportifs et sportives entendent que ces choses-là ne peuvent pas exister dans le sport". C'est désormais sur cette voie que semblent se diriger les diverses procédures mises en branle.
Et ce dans l'attente de rectifier ce qui n'a que trop duré : l'impunité.