"Innocence". Ainsi pourrait-on traduire Baraa, série tunisienne diffusée durant le ramadan sur une grande chaîne nationale, El Hiwar Ettounsi. On y suit le parcours d'une jeune femme de ménage consentant à devenir la seconde épouse d'un homme. Et c'est notamment parce qu'il aborde frontalement le thème de la polygamie que le show, très grand succès en Tunisie, a suscité un large scandale au sein du pays.
Un sujet tabou dans un pays où, comme le rappelle FranceInfo, les unions multiples sont interdites depuis des décennies. D'autant plus que l'époux en question consacre son union "au nom de la charia", la loi islamique qui, selon le même personnage, serait "au-dessus de toutes les autres lois". Union par ailleurs concrétisée lors d'un mariage religieux, ou mariage "orfi", autre pratique tout à fait condamnable.
"Mettre en scène un phénomène est-il le cautionner ?", s'interroge cependant le média Le Courrier d'Atlas.
Toujours est-il que de nombreuses militantes féministes tunisiennes se sont indignées du traitement de ces sujets épineux dans la série. Bien des voix fustigent ainsi "la vision humiliante pour la femme tunisienne" que mettrait en avant cette oeuvre de fiction à succès, ou plus encore "la banalisation de pratiques sociales" synonymes d'oppression des femmes, qu'elle engendrerait au fil des épisodes et aux yeux du public.
Certains partis politiques au sein du pays exigent par ailleurs sa censure immédiate. La présidente de l'Union nationale de la femme tunisienne Radhia Jerbi a également protesté contre la diffusion du show. Cependant, précise Le courrier d'Atlas, la série ne ferait en aucun cas l'éloge des sujets qu'elle explore, notamment en donnant à voir l'évolution puis l'émancipation de sa protagoniste féminine, "passant du statut de femme battue à celui d'une danseuse rebelle qui se libère du joug de son époux tuteur".
"Un art dramatique n'a pas pour rôle de donner une bonne image de la société, il expose un point de vue ou des questions de société pouvant être un sujet de débat" analyse de son côté, Foued Ghorbali, sociologue, à l'AFP, percevant en ce scandale "un conflit idéologique entre conservateurs et ceux qui se présentent comme des progressistes". Une série qui fait beaucoup débattre donc.