"Dans ses mémoires, Debbie Harry prouve qu'elle est plus qu'une jolie blonde au pantalon serré". Vous aussi, vous aimez quand le web vous ressort les vieilles accroches sexistes des années 80 ? C'est toujours très ludique. Bon, le souci, c'est que celle-ci date de septembre 2019. Et oui. C'est ainsi que le prestigieux Washington Post a titré et présenté sur Twitter sa chronique de Face It, l'autobiographie de l'iconique chanteuse du groupe Blondie. Merci de nous apprendre que l'interprète de Heart of Glass et Atomic est bien plus... "qu'une jolie blonde au pantalon serré", c'est instructif.
Cette phrase aurait pu passer inaperçue, mais non. Elle a suscité la colère des internautes, et le flot de réactions qui en découle vaut son pesant d'or. "Vieux, vieux sexisme", "Est-ce que quelqu'un d'autre a déjà pensé qu'elle n'était qu'une "jolie blonde au pantalon serré"?", "Qui a écrit ce truc ? Un enfant de douze ans ?", "Arrêtez ça, sérieusement, est-ce que vous écrivez ce genre de "merde" sur les hommes? Question rhétorique, car nous connaissons la réponse". Difficile de donner tort à ces voix offusquées.
"C'est un pénis qui a écrit ça ?", s'interroge à l'unisson une internaute bien caustique. Hélas non, pourrait-on lui rétorquer, car c'est bel et bien une journaliste (et non un journaliste) qui signe cette chronique pas très féministe. On est plutôt loin de la force sororale. Dans les commentaires, l'autrice Sam Missingham remet d'ailleurs en cause la pertinence de la critique qui suit, où il est notamment question de "la voix trop faible" et "du sex appeal trop flagrant" de la chanteuse... parce que pourquoi pas. De quoi faire douter celles et ceux qui voyaient en ce titre un brin d'ironie légèrement provoc' et "clickbait". A priori, ce n'est pas vraiment le genre de la maison.
Cette tournure fâcheuse a incité une lecteur à épingler les clichés de genre véhiculés par les médias ("Star de la musique féminine: jolie blonde en pantalon blanc. Femme politique : est-elle vraiment sympathique ?") avant de conclure, s'adressant directement au journal américain : "Combien de troupes sexistes êtes-vous en train de renforcer ?".
Encore une fois, l'interrogation est rhétorique... Au fond, celles et ceux qui s'indignent de cette accroche mettent surtout en avant son absurdité, face à ce que le public pense (et perçoit) vraiment de l'iconique Debbie Harry. C'est-à-dire ? "Le fait que Debbie Harry soit l'une des rockstars les plus influentes de ces quarante dernières années", comme le pointe une internaute. Tout simplement. C'est pas plus compliqué que ça.
Chose assez rare pour le notifier, le Washington Post a pris en compte les coups de gueule de son audience. "Nous avons changé le titre. Nous nous sommes trompés et nous apprécions vos retours", a décoché le community manager. A la place figure désormais l'intitulé "Dans ses mémoires, Debbie Harry jette un regard sans filtre sur ses années punk". Comme quoi, on peut donner envie au lectorat sans s'enticher d'une bête punchline macho.