Si les femmes réalisatrices restent largement minoritaires dans l'industrie cinématographique (7%), le petit écran ne fait pas exception. Selon une étude du CNC, seules 8 % des fictions diffusées à la télévision avaient été réalisées par une femme en 2018.
Bien que de plus en plus de showrunneuses commencent à sortir de l'ombre (on pense par exemple à Lena Dunham, Phoebe Waller Bridge, Fanny Herrero, Jenji Kohan ou Michaela Coel), les réalisatrices restent encore largement invisibilisées dans le milieu sériel. C'est donc une mise en lumière salutaire mais aussi militante qu'a entreprise la journaliste, autrice et réalisatrice Charlotte Blum en allant à la rencontre de six réalisatrices dans la troisième saison de sa passionnante série-documentaire The Art of Television consacrée aux coulisses de la télévision.
Chacun de ces épisodes de 26 minutes offre à ces invitées totalement dévolues à leur art un large espace pour raconter leur parcours, distiller leurs anecdotes, évoquer leurs inspirations, leurs fulgurances créatives ou encore leurs gimmicks stylistiques.
Ainsi, la Canadienne Michelle McLaren, fan de westerns, décortique l'une des scènes les plus iconiques de Breaking Bad et explique le casse-tête de tourner une séquence de Game of Thrones avec un grizzly, Marti Noxon (Buffy contre les vampires) confie s'être inspirée de ses propres fêlures et de ses "guerres intérieures" pour concevoir Sharp Objects ou Dietland, la Danoise Susanne Bier (The Night Manager, The Undoing) évoque son obsession pour l'architecture et les gros plans qui "transforment les personnes en paysage".
On sourit lorsque l'actrice Jennifer Morrison (Once Upon a Time), réalisatrice autodidacte, dégaine un énorme pavé de 400 pages retranscrivant une interview de Scorsese ("son premier cours", confie-t-elle). L'actrice Helen Hunt, elle, évoque Kramer contre Kramer parmi ses inspirations de réalisatrice débutante. Passionnante aussi, la Suédoise Charlotte Brändström (Counterpart, The Outsider, Witcher, The Rings of Power) qui dissèque la composition iconoclaste de ses cadrages.
Si on se délecte de leurs souvenirs de tournage, des hommages appuyés de leurs collègues (on croise par exemple Hugh Laurie) et de leurs analyses filmiques, on applaudit également l'élégance et l'humilité de ces créatrices badass qui ont su imposer leur patte dans un univers encore trop testostéroné. Inspirantes en diable.
The Art of Television
Saison 3
Une série-documentaire de Charlotte Blum
Disponible sur OCS