Starr Carter est une lycéenne de 16 ans. Elle vit dans le quartier pauvre de Garden Heights mais va à l'école dans un quartier riche et blanc. Son père est un ancien membre de gang reconverti en épicier de quartier et sa mère est infirmière. Il veulent offrir un meilleur avenir à leurs enfants.
Starr a déjà vu mourir son amie Natasha pour une balle perdue alors qu'elles jouaient dans la rue enfants.
Un soir, l'adolescente sérieuse décide d'aller pour une fois faire la fête avec des gens de son âge. Là elle tombe par hasard sur son meilleur ami Khalil. Des coups de feu éclatent et il lui propose dans la panique de la ramener chez elle en voiture. Sur le chemin, ils sont arrêtés par un policier. Un geste et il tue Khalil sous les yeux de Starr qui est la seule témoin. Le quartier en colère s'embrase. Comment Starr va-t-elle rendre justice à Khalil ?
C'est extrêmement bien écrit, cash, rapide. C'est LE livre à acheter à vos ados en ce moment. Et vous pourrez même leur piquer. Car même en tant qu'adulte, on dévore ce livre de la première à la dernière page.
The Hate U Give est le premier livre d'Angie Thomas et il a fait sensation aux États-Unis lors de sa sortie en 2017. Encensé par la critique, les éloges sont méritées pour cette autrice de 30 ans qui a grandi dans le Mississippi. Ce livre qui s'adresse aux jeunes est fin et intelligent. Il pose les bonnes questions sur le racisme contre les noir·e·s aux États-Unis aujourd'hui. Vivre dans le mauvais quartier vaut-il la peine de mort ?
L'histoire de Starr et du meurtre de son ami Khalil est le modèle malheureux de toutes ces histoires lointaines de discriminations et d'injustices envers les noir·e·s qui nous arrivent de l'autre côté de l'Atlantique. C'est aussi l'illustration en roman du mouvement Black Lives Matter. The Hate U Give raconte aussi le vide et le chagrin que ces morts laissent autour d'elles.
L'héroïne d'Angie Thomas doit concilier ses deux identités. Celle qu'elle garde pour son quartier de Garden Heights, où elle parle en argot, où elle vit sous les lois dictées par ses parents pour ne pas mourir à cause de la police. A douze ans, ses parents lui ont tenu le discours qui lui assurera sa survie : si elle se fait arrêter par la police, pas de geste brusque, elle doit lever les mains et ne parler que pour répondre aux questions qu'on lui pose. Des règles que Khalil n'a pas respectées...
Sa deuxième identité est pour son lycée blanc où elle ne veut pas passer pour la "noire de quartier de service". Comment peut-elle faire comprendre à ses amis d'école que Khalil n'a pas mérité ce qu'il lui est arrivé.
Starr va peu à peu combattre la peur qu'on instille chez les noir·e·s et trouver le courage de lutter contre l'horrible injustice de cette soirée qui aura été fatale à son ami. Elle nous donne de la force. Les ados y apprendront le pouvoir que peuvent avoir les mots et la parole.
The Hate U Give est une contribution supplémentaire et salutaire à la visibilité limitée des personnes noires. Comme le rappelle souvent Angie Thomas, les enfants noirs manquent de modèles : "Les enfants ont plus de chance de trouver des livres dont le personnage principal est un camion ou un animal qu'un enfant noir". Elle explique aussi avoir voulu donner spécifiquement la parole à une jeune fille noire dans ce roman écrit à la première personne. Dans une interview donnée à Libération, elle raconte : "Beaucoup de jeunes, en particulier de jeunes noirs, me remercient pour ce livre parce qu'il est un miroir d'eux-mêmes. Beaucoup d'enfants m'ont dit que c'était le premier livre qu'ils lisaient, c'est génial". Elle ajoute : "Beaucoup d'adultes m'ont dit que ça leur avait ouvert les yeux et fait changer de point de vue. Le livre a aidé des Américains blancs à comprendre le mouvement Black Lives Matter."
Enfin, The Hate U Give est un livre très émouvant. Sans tout dévoiler, toutes les histoires pour ados ne sont pas obligées de se terminer dans un feu d'artifice arc-en-ciel. Sur la dernière page du roman, la fiction rejoint l'absolue tristesse de la réalité. L'autrice y égrène les prénoms de personnes mortes de violences policières ces dernières années dont celui d'Aiyana Jones, tuée à l'âge de sept ans par un policier de Détroit qui ne sera pas puni.
Un mot pour la traductrice Nathalie Bru qui a fait un job excellent et qui mérite d'être souligné.
Vous aimez les livres qui sortent des sentiers battus, qui dénoncent des injustices et qui parlent brut et vrai. Les ados s'y retrouveront avec un langage qui ressemble au leur. Ne loupez surtout pas cet excellent roman, pour vous et vos enfants.
A noter qu'un film tiré du livre est prévu d'ici la fin de l'année 2018. On a hâte.
The Hate U Give, La haine qu'on donne, Angie Thomas, Nathan Jeunesse, 495 pages, 17,95€
Dès 14 ans