"Je rêvais d'un autre monde", chantait Jean-Louis Aubert. Nous aussi. Surtout lorsque l'on lit l'intitulé si juste d'un nouveau site web essentiel qui agite la Toile : "Un monde sexiste". Initié par l'association Mousse à l'occasion de la Journée internationale des droits des femmes le 8 mars dernier, cette plateforme recense en temps réel les propos sexistes qui pullulent sur le réseau social au petit oisillon bleu : Twitter.
Et l'on s'en doute, le panorama est sacrément déprimant en terme d'injures en tout genre. Et ce, malgré le règlement du réseau social, censé filtrer et condamner ces flots d'insultes ouvertement misogynes. A défaut, c'est ce répertoire en ligne qui fera le taf. Comme le souligne Libération, "Un monde sexiste" n'éclot pas de rien, puisqu'il est financé à hauteur de 20 000 euros par la mairie de Paris et la région Ile-de-France.
Et son fonctionnement interne est tout à fait limpide. Pour garantir l'automatisme de la chose, c'est un robot qui est chargé de scanner les abondants tweets du réseau social selon les occurrences de mots bien précis. Les tweets incriminés se retrouvent donc épinglés comme des post it. Il suffisait d'y penser.
L'idée derrière tout cela ? Eveiller des consciences en démontrant la banalisation de l'insulte, et notamment de l'insulte sexiste, sur les réseaux sociaux. "Beaucoup trop de gens nient le fait que l'on vive dans un monde sexiste. Ce site prouve que le sexisme est profondément ancré dans la langue française", explique à ce titre l'instigateur du projet, Etienne Deshoulières, à Libération. "Qui que l'on soit, où que l'on soit, on est confronté à une langue qui véhicule des concepts sexistes", poursuit le créateur. Concepts largement normalisés sur la Toile.
Pour s'en convaincre, il suffit de jeter un oeil aux occurrences de termes comme "pute" ou "garce". Le second aurait été employé 11 000 fois en une semaine à peine sur Twitter, et le premier... plus de 86 000 fois ! De quoi faire déchanter les amoureux de la langue de Molière. A l'origine du projet, l'existence d'un site, nohomophobes.com, plateforme recensant quant à elle les insultes homophobes sur Twitter. Une autre problématique qui s'avère tout aussi inquiétante. On pourrait également imaginer un autre équivalent, dédié aux propos transphobes.
En attendant, la page d'accueil d'"Un monde sexiste" laisse songeur. Dans le courant de matinée du 26 mars, le terme "Salope" et ses dérivés ("traînée, fille facile, racoleuse, fille légère, chaudasse, chagasse, allumeuse") auraient été écrits plus de 260 fois, et le terme "Pute" (ainsi que "putain, tchoin, fille de joie, catin, putasse, tapineuse")... Déjà plus de 4 600 fois. Un site qui en dit long sur le poids des mots. "Blesser n'est pas toujours le but des propos sexistes, mais pourquoi les utiliser si souvent sans y penser ?", décoche le site. Indeed.