Dans le petit archipel des Mascareignes, l'événement est historique. Après la démission de Kailash Purryag le 29 mai dernier, le Conseil des ministres de Maurice puis l'Assemblée Nationale ont décidé de nommer Ameenah Gurib-Fakim au poste de Présidente. Une première pour cette République créée le 12 mars 1992, qui n'avait jusqu'ici été représentée que par des hommes.
La scientifique et biologiste de renommée internationale devient ainsi la première femme à entrer au château du Réduit, la résidence du Président de la république. Si la fonction reste honorifique (le ou la président(e) n'a aucun pouvoir décisionnel ou de vote mais représente le pays à l'étranger), l'accession d'Ameenah Gurib-Fakim à la présidence n'en reste pas moins tout à fait symbolique, et est accueillie avec enthousiasme dans le pays.
Un enthousiasme populaire d'abord, les Mauriciens voyant dans cette arrivée en politique le signe d'un changement majeur dans la façon du gouvernement d'envisager le fonctionnement des institutions. Une vision que partagent également les médias nationaux qui, de manière quasi-unanime, ont salué l'accession de Ameenah Gurib-Fakim à la présidence. C'est "un vrai changement, une avancée démocratique majeure pour la cause de la femme mauricienne", a souligné un éditorial du quotidien national L'Express, cité par RFI.
Un changement d'autant plus important qu'il ne doit rien au hasard. En décembre 2014, le gouvernement avait promis de désigner pour la première fois une femme au poste honorifique de président de la République de Maurice. Le nom d'Ameenah Gurib-Fakim avait alors fait consensus.
Scientifique de renom, cette mère de deux enfants a su s'imposer dans un milieu majoritairement masculin. Après avoir obtenu son doctorat de chimie organique en 1987 en Grande-Bretagne, la chercheuse est devenue la première femme professeure d'université de l'île Maurice.
Ameenah Gurib-Fakim se distingue ensuite par un parcours impressionnant : première doyenne de la faculté des sciences, elle est la directrice générale du centre de recherche phytothérapie (CEPHYR) de Maurice, qu'elle a créé en 2011. Elle a également travaillé comme consultante auprès d'institutions internationales comme la Banque Mondiale, et a reçu de nombreuses distinctions dont le Prix "L'Oréal-Unesco pour les Femmes et la Science" en 2007. Pas étonnant alors de voir Ameenah Gurib-Fakim accéder à la plus haute fonction dans son pays, pour lequel elle promet de faire les choses différemment.
Car loin de l'attitude de ses prédecesseurs, la biologiste ne souhaite pas entrer dans le jeu politique national : "La présidence est un poste apolitique et je compte demeurer apolitique", a-t-elle affirmé à RFI le 31 mai. Interrogée par un journal local, Ameenah Gurib-Fakim persiste : "Je ne serai pas une yes-woman", lâche-t-elle en référence aux "yes-men", c'est-à-dire les béni-oui-oui qui séviraient dans la classe politique du pays.
Celle qui a néanmoins confié ressentir "un sentiment de grande fierté et beaucoup d'humilité" ambitionne de mettre à profit ses qualités scientifiques au service de la nation. Convaincue que les phytomédicaments sont une ressource économique importante pour son pays, comme pour l'Afrique, la nouvelle présidente a d'ores et déjà rendu public les trois axes de son action : le développement durable, la science à travers la technologie et l'innovation et la protection du patrimoine.
Des chantiers qu'Ameenah Gurib-Fakim sait complexes, mais qu'elle entend mener de front, en se servant de son statut de femme comme d'un atout. "Cette désignation a fait sauter quelques verrous pour la femme, pour l'Afrique et même pour la jeune fille qui émerge", a-t-elle déclaré. "C'est même un message que la femme peut faire autre chose, qu'elle peut faire avancer le destin d'un pays". Celui de Maurice vient à l'évidence de prendre un tournant.