Les urbanistes ont constaté que plus les citadins sont attachés à l'endroit où ils vivent, plus ils s'y sentiront en sécurité et feront prospérer l'économie. En clair, plus l'amour est au coeur de la ville, plus les habitants seront amoureux de leur ville. Philippe Gargov, géographe indépendant spécialiste de la prospective urbaine, s'intéresse beaucoup au sujet de l'urbanisme émotionnel. Il l'aborde sous de nombreux aspects sur son site pop-up-urbain.com.
Philippe Gargov : L'urbanisme émotionnel n'est pas encore vraiment défini mais il s'agit de favoriser l'attachement et le bien-être des gens sur un territoire, que ce soit un lieu de vie ou de travail. Concrètement, il s'agit de rendre les espaces plus attrayants et propices aux interactions humaines, voire même à la séduction amoureuse. Il peut donc s’agir de parcs, de places, de rues, du métro ou encore de territoires laissés à l'abandon comme les canaux.
Au Japon par exemple, il existe une certaine pudeur dans l’expression des sentiments. Des buissons ont donc été installés entre les bancs, pour permettre aux amoureux d'avoir un peu d'intimité, non privative, dans l'espace public. L'urbanisme émotionnel est là pour faire ressentir aux individus un état de sécurité et d'émotion permettant l'échange.
P.G. : L'urbanisme émotionnel est censé apporter un épanouissement personnel, qui passe forcément par un épanouissement dans l'espace. Des bulles d'intimité permettent d'échanger discrètement, amicalement ou amoureusement sans gêner les autres.
D'après une étude, les individus ne viennent pas tant en ville pour trouver du travail mais plutôt pour trouver l'âme sœur. La population se regroupe vers un point de convergence, ce qui permet les rencontres. Mais l'attractivité émotionnelle d'un territoire a d'autres avantages. Plus les gens sont attachés à un territoire, plus l'économie se développe et plus les citadins se sentent en sécurité. Ils s'investissent plus d'un point de vue civique et respectent leur ville. Le niveau de vie s'élèvera alors automatiquement. Mais pour l'heure, l'urbanisme émotionnel n'est pas encore une norme de construction dans nos villes.
P.G. : Il n'y a pas de données intégrées officiellement mais une fâcheuse tendance à la sécurisation à outrance revient au galop en France. Pour favoriser la sécurité, on sacrifie un urbanisme vecteur d'épanouissement personnel et territorial. Les lieux où les sans domicile fixe, mais aussi les amoureux, pouvaient s'asseoir ou dormir sont désormais équipés de pics et d'accoudoirs entre les bancs pour ne pas s'y allonger.
Il faut recréer un plaisir de ville dans le métro, les parcs, les rues et les parvis et places. Une culture du plaisir d'habiter en ville a refait surface depuis quelques dizaines d'années. A l'urbanisme émotionnel de l'accompagner.
Le site de Philippe Gargov
Géraldine Bachmann
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