67 féminicides recensés depuis le début de l'année 2021 en France. Voilà pour le chiffre, glacial, relayé par la page Facebook du collectif Féminicides par compagnons ou ex. "Non, ce ne sont pas des 'drames familiaux' ni des 'drames de la séparation' ni des 'crimes passionnels', ce sont des féminicides conjugaux perpétrés par des hommes frustrés qui pensent détenir un permis de tuer, des assassinats systémiques dont l'origine se trouve au coeur de notre société, dans l'éducation patriarcale qui est donnée aux hommes", déplore-t-il.
Un état des lieux tragique qui exige des actes, comme le répètent les associations féministes depuis des années déjà, et bien plus encore depuis le lancement du Grenelle des violences conjugales, initié par Marlène Schiappa en septembre 2019. Et aujourd'hui, c'est à Elisabeth Moreno, la ministre déléguée chargée de l'Egalité entre les femmes et les hommes, que revient ce devoir : traiter les violences conjugales et le fléau des féminicides pour ce qu'ils sont, à savoir un enjeu majeur du gouvernement Macron.
C'est en ce sens que la femme politique française a rencontré Irene Montero, la ministre de l'Egalité espagnole. Dans le cadre d'une rencontre rapportée par Le Monde, Elisabeth Moreno a détaillé le rapport (inspirant) qu'elle entretient avec le gouvernement espagnol, justement salué pour ses initiatives dans le traitement des violences conjugales et des féminicides.
Un modèle qui importe. Depuis seize ans, l'Espagne est considérée comme un exemple à suivre pour lutter contre les violences conjugales. De la nécessaire formation des professionnels aux violences faites aux femmes (qu'ils soient policiers, juges ou personnels soignants) à la considération judiciaire des victimes (ce sont des tribunaux spécifiques qui prennent en charge les cas de violences conjugales), jusqu'à la réalisation effective du procès (qui a lieu dans les quinze jours qui suivent l'instruction du dossier) et le niveau des peines encourues pour les agresseurs (plus fort qu'en France), le modèle espagnol s'érige aisément en source d'inspiration.
Sans oublier le port du bracelet électronique pour les agresseurs, ou encore l'aide sociale apportée aux victimes. Surtout, l'Espagne a accordé un budget bien plus conséquent à ces enjeux que la France. "Ces dernières années, l'Espagne est le pays d'Europe qui a fait le plus en matière de lutte contre les violences et elle a connu un changement culturel, civilisationnel même", reconnaît d'ailleurs Elisabeth Moreno. Aujourd'hui, la ministre exprime sa volonté de rattraper un retard pris sur le voisin européen, et "d'aller plus loin", rapporte encore Le Monde. Elle raconte : "En France, nous avons commencé plus tard et si nous voulons accélérer le processus, il est utile de voir ce que l'Espagne a fait de bien, ce qu'elle a appris, ce qui a fonctionné ou pas".
Comme quoi ? Le port du bracelet électronique (ou "antirapprochement") par exemple, qui à l'écouter "a contribué à faire baisser le nombre d'assassinats". La ministre chargée de l'Egalité femmes-hommes aimerait cependant viser plus haut en mettant notamment en place au sein du pays "un fichier des auteurs de violences conjugales, qui permette de partager les informations entre les professionnels qui accompagnent les femmes victimes", mais également "une cellule interministérielle qui implique les associations pour que les informations dont celles-ci disposent soient partagées sur le terrain".
La formation des professionnels demeure encore, précise la femme politique, l'une des actions majeures de ce plan national de lutte contre les violences conjugales et le fléau des féminicides. Dans l'espoir que la France rattrape dans les années à venir son voisin espagnol en termes d'efficacité et de force de proposition ? Il est encore bien trop tôt pour le formuler. Quand on lui parle des différences de budget dédié, entre la France et l'Espagne, Elisabeth Moreno rétorque d'ailleurs : "On ne peut pas comparer ces chiffres".
"La protection des femmes dépend majoritairement de décisions judiciaires, or c'est là que se trouvent les principaux défis. La justice patriarcale est un des grands problèmes. Elle n'accompagne souvent pas assez rapidement les changements législatifs qui doivent protéger les femmes", rappelle de son côté Irene Montero.
A bon entendeur.