Il est le numéro qui "vous accompagnera pour mettre fin au cycle des violences", scande ce spot de sensibilisation au casting hétéroclite - et qui depuis quelques jours déjà se propage sur nos réseaux sociaux. Le 3919 est un numéro d'écoute qui permet aux femmes victimes de violences (mais aussi aux témoins) d'être mises en relation avec des professionnels leur apportant aide et orientation. Ces quatre chiffres peuvent tout changer, précise le clip.
Un numéro nécessaire, assurément. Cependant, force est de constater que "trop peu de personnes connaissent ce numéro. Si les dispositifs ne sont pas connus c'est comme s'ils n'existaient pas", déplorait il y a peu la Secrétaire d'État chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes. Un vide que s'exercent à combler les illustratrices et illustrateurs en propageant la bonne parole sur Instagram. Résultat ? Des dessins forts, puissants même, sans filtre, tantôt bruts tantôt métaphoriques, ravivant le poids des images, chacun à leur manière. Le tout griffé d'un hashtag primordial : #3919.
On trouve par exemple ce strip faussement candide de l'illustratrice L'Agenda d'Agathe. Le poisson rouge Rodolphe interroge sa propriétaire : "Quoi, il y a des hommes qui battent les femmes...par "amour" ?". Avant d'ajouter, le sourire malicieux : Moi, quand je vois une femme, tout ce qui bat, c'est mon petit coeur". Et l'autrice d'approuver : "on aimerait tous un homme comme Rodolphe, non ?", hashtags #feminicide et #machisme à l'appui.
Dans le même registre de douceur illusoire, l'on saluera la justesse de Louise, du compte La ville et les nuages. La dessinatrice nous présente un couple heureux, main dans la main, au sein d'un cadre aux couleurs solaires. Une simple accroche, suggestive et angoissante, entache le tableau : "La photo était parfaite...". Une habile manière d'envisager le pire. Et de nous dire, comme l'affirme l'autrice : "on ne tue pas par amour".
Au sein de la galerie virtuelle "et safe space" Une autre histoire, les esquisses abondent en ce sens. Celle de La Renarde Bouclée par exemple, qui, en réponse aux coups des agresseurs, décoche un superbe poing de femme, les chiffres 3919 inscrits en lettres de sang sur les doigts, et un slogan fort en évidence : "Face aux coups, nous aussi on lève le poing".
Coups dont la femme violentée dessinée par Margaux (alias Gomargu) cache tant bien que mal les traces, à grands renforts de fond de teint. Et l'illustratrice de préciser que, cette fois-ci, le maquillage peinera à dissimuler "le bleu qui entourait son oeil". Une situation réaliste, qui prend aux tripes et met en lumière le quotidien de bien des femmes en France.
A ce titre, difficile de rester insensible face à la création plus abstraite de Tissadolo, du compte @dolodraw, dépeignant une victime anonyme comme un tableau de Picasso, le visage défragmenté. Ou comment signifier le réel par l'art.
D'aucuns préfèrent user du contraste noir et blanc pour faire entendre cette violence. Comme Cyrille de Coda Art qui, sous couvert d'un sonore "Stop au permis de tuer", portraitiste une femme au regard accablé dont le corps diaphane est recouvert d'empreintes de mains rougeoyantes -sur ses bras, ses jambes, son ventre. Tout aussi militant est le dessin de Jean André, où, dans un même jeu de noir et blanc, une main enserre le cou d'une jeune femme.
Idem pour celui du populaire Petites Luxures, proposant à son million d'abonnés cette élégante image d'une "femme battante", le poing levé dans l'obscurité. Un geste qui ressemble tout autant à un appel à l'aide.
"Tous les 2 jours en France, une femme meurt assassinée sous les coups de son conjoint ou ex-conjoint. 101 femmes en sont mortes depuis le début de l'année. Ne laissez jamais personne lever la main sur vous, ni même vous manquer de respect", soutien le texte descriptif de Petites Luxures. Un message de première importance. Rappelons cependant que, pour les situations de danger immédiat, il faut privilégier le 15, le 112 ou le 17.