"Visiblement c'est ainsi qu'on se fait 'entendre' en France donc je vais m'y mettre". Sur Instagram, Morgane a décidé ce 23 janvier de témoigner du cauchemar que lui aurait fait subir un homme. Un récit qui horrifie et résume, comme elle l'indique, "1h30 de calvaire".
Les faits se seraient déroulés dans la soirée du 11 janvier dernier. Ce jour-là, Morgane sort au restaurant avec un homme. Cela fait plus d'un mois qu'ils échangent via Instagram, tous les jours : la jeune Parisienne de 26 ans est donc confiante. "Jusqu'ici tout va bien", écrit-elle. Mais au moment de la reconduire chez elle, l'attitude du jeune homme change du tout au tout. "Il me demande en roulant : 'Tu penses que l'on va se revoir ?' et à ce moment-là, j'ai répondu : 'Je ne sais pas, on verra bien'. De là, il m'a dit : 'Comment ça, on verra bien ? Attends, attends on va parler !'".
Son conducteur se dirige alors vers le parking d'une zone industrielle très peu éclairée et coupe le moteur. Inquiète, Morgane dit "de laisser tomber", qu'elle va rentrer chez elle en Uber. Elle quitte donc la voiture mais est rapidement rattrapée. Tout va alors très vite. Sur Instagram, elle raconte : "Cet individu est descendu en courant de son véhicule en me disant : 'Tu vas où !?'. Il m'a porté un coup à la tête et je suis tombée en avant, j'ai ensuite été rouée de coups au sol, plus fort les uns que les autres. A ce moment-là, j'ai vu ma vie défiler...". C'est ainsi que débute le "calvaire".
Après lui avoir porté de nombreux coups, l'homme lui aurait ordonné de remonter dans le véhicule. Il précise qu'il est armé et aurait menacé de "[la] buter". "Je n'avais aucune autre issue, j'étais en talons, la route la plus proche était à 600m. Si j'avais couru, il m'aurait rattrapée, et je ne voulais pas de nouveau subir les coups. Je suis donc remontée", détaille-t-elle au fil de ses stories.
Dans sa voiture, l'homme la roue de nouveau de coups de poing et aurait poursuivi ses menaces : "Tu crois que tu vas rentrer chez toi comme ça ?!", "Tu vas me sucer la bite et on va baiser", "Tu sais où je taffe, c'est la fin pour toi, je vais devoir te tuer". Morgane s'efforce alors de fuir son agresseur une nouvelle fois. Elle parvient à se débarrasser de son manteau lorsque celui-ci lui aurait attrapé le bras, et quitte la voiture en courant, en direction de la route la plus proche. A ce moment-là, son agresseur la poursuit encore.
Suite à cette course, elle finit par rejoindre la route, et se dirige vers un feu de signalisation. Elle est accueillie par un couple d'automobilistes, qui la rassurent et la conduisent immédiatement au commissariat le plus proche. Son agresseur, quant à lui, aurait cessé de courir en apercevant les véhicules alentours. Morgane finit donc sa soirée à l'hôpital.
Aujourd'hui, par-delà son témoignage, la jeune femme a pour elle plusieurs preuves, comme les images captées par les caméras de vidéosurveillance de la zone industrielle et les nombreuses traces de coups et blessures visibles sur son corps (et "constatés par un médecin de la Police Judiciaire", dit-elle sur son compte Instagram). Selon Morgane, son agresseur n'aurait d'ailleurs pas nié les faits. Celui-ci a d'ailleurs publié une vidéo sur son compte Instagram dans laquelle il déclare : "C'est pas bien comment j'ai réagi" tout en martelant qu'il "n'est pas un violeur".
Et pourtant, Morgane est loin d'être optimiste quant au suivi de cette affaire. "Sachez qu'au commissariat, on m'a complètement démotivée en m'indiquant que mon agresseur prendrait du sursis, et encore... que même lorsqu'il y a des fins tragiques, les choses ne bougent pas. Aujourd'hui encore, aucune action n'a été réalisée à son encontre. Je vous épargne les frais d'avocat engagés dont je n'ai même pas la certitude de les récupérer après coup", déplore-t-elle au gré de ses stories. Lasse, la jeune femme de 26 ans se dit désormais "outrée, désemparée".
"Il faut arrêter avec toutes les campagnes contre les violences faites aux femmes quand celles-ci ne sont même pas entendues et que la justice ne bouge pas le petit doigt pour remédier à cela", poursuit-elle en ce sens. Et c'est justement pour être "entendue" que Morgane a écrit cette publication. Celle-ci a suscité en moins de 24 heures des milliers de partages et de commentaires, interpellant aussi bien la police nationale que Marlène Schiappa. Des réactions anonymes, mais pas seulement : des voix très médiatisées comme celles du député européen Raphaël Glucksmann sont elles aussi venues relayer ce témoignage.
"Cette violence est un fait social et non un simple fait divers. Voilà pourquoi nous devons entendre, relayer, partager les mots de Morgane. Pour lutter contre les violences sexistes, il est crucial de faire du bruit, de donner un maximum d'échos aux paroles des victimes, de briser le silence qui conforte les agresseurs", écrit l'essayiste et eurodéputé sur son compte Instagram. Selon Raphaël Glucksmann, "la médiatisation systématique de ces violences est efficace" et c'est pour cela qu'il est primordial de "mettre collectivement en lumière les violences comme celles que Morgane a subies, ne plus jamais laisser les mots des victimes se perdre dans un océan de silences gênés, pour que la peur et la honte changent de camp".
Morgane semble elle aussi de cet avis. A travers une autre story Instagram, elle l'explique d'ailleurs : "Je ne suis absolument pas à la recherche de buzz, je ne veux juste pas que le calvaire se reproduise sur quelqu'un d'autre et qu'il en vienne à tuer une femme, car toutes n'ont pas ma chance". Quelques lignes plus loin, réagissant aux centaines de commentaires qu'elle reçoit, la jeune femme de 26 ans l'assure : "J'ai une situation stable et elle le sera également quand cette histoire sera réglée. Je me ferai oublier des réseaux et je reprendrai ma vie normalement".