Depuis la mi-septembre 2021, plusieurs patientes et étudiants en médecine ont pris la parole contre le Professeur Émile Daraï, un gynécologue spécialiste de l'endométriose à l'hôpital Tenon à Paris. Une enquête judiciaire a été ouverte mardi 28 septembre pour viol par personne ayant autorité sur mineur de plus de 15 ans, selon une information de RTL.
Depuis 2014 et le hashtag #PayeTonUtérus, la parole s'est libérée autour des violences obstétricales et gynécologiques. Selon le Haut Conseil à l'Egalité qui a consacré un dossier à ce sujet en juin 2018, les actes sexistes durant le suivi gynécologique et obstétrical sont "des gestes, propos, pratiques et comportements exercés ou omis par un·e ou plusieurs membres du personnel soignant sur une patiente au cours du suivi gynécologique et obstétrical et qui s'inscrivent dans l'histoire de la médecine gynécologique et obstétricale, traversée par la volonté de contrôler le corps des femmes (sexualité et capacité à enfanter). Ils sont le fait de soignant·e·s - de toutes spécialités - femmes et hommes, qui n'ont pas forcément l'intention d'être maltraitant·e·s. Ils peuvent prendre des formes très diverses, des plus anodines en apparence aux plus graves".
Parce que ces violences obstétricales et gynécologiques prennent de nombreuses formes, elles ne sont pas toujours aisément identifiables par les femmes qui en sont victimes. Une bande dessinée parue fin août sur ce sujet propose d'identifier et de reconnaître ces violences.
Intitulée Mon vagin, mon gynéco, et moi, elle est écrite par l'autrice féministe Rachel Lev et publiée aux Éditions Leduc Graphic. Pour elle, tout commence quand, après 10 ans d'errance médicale et d'examens douloureux et intrusifs, le verdict tombe : elle est atteinte d'une sévère endométriose. Pendant ces années, elle fait face à des médecins qui lui expliquent que ses douleurs sont psychosomatiques.
En colère de voir d'autres témoignages de femmes qui ont vécu le même genre de situations, l'autrice raconte la construction de la société patriarcale et les violences, en particulier celles dites gynécologiques et obstétricales.
Contactée par Le HuffPost, Rachel Lev, autrice et dessinatrice, explique : "Les violences gynécologiques et obstétricales regroupent un panel de violences dites minimes, ordinaires, banales et qui sont totalement passées sous silence tant elles sont courantes."
Selon le rapport du Haut Conseil à l'Égalité entre les femmes et les hommes, les violences gynécologiques et obstétricales peuvent se regrouper en 6 types d'atteintes, la liste n'étant pas exhaustive :
- La non-prise en compte de la gêne et du caractère intime de la consultation par exemple, un sentiment de culpabilité.
- Les propos porteurs de jugements comme une parole déplacée.
- Les injures sexistes
- Les actes exercés sans consentement, par exemple, un spéculum que l'on introduit sans consentement.
- Les actes ou refus d'actes non justifiés
- Les agressions sexuelles et les viols
"Ce n'est pas la gynécologie, ni les gynécologues qui sont maltraitants. C'est notre société qui est responsable de ces violences. La société porte un jugement de valeur sur le corps des femmes, entretient, nourrit et tolère le sexisme", déclare l'autrice.
Le SYNGOF, syndicat national des gynécologues médicaux et des gynécologues obstétriciens, indique de son côté "avoir l'ambition de faire évoluer les formations et les pratiques". Il déclare soutenir le label Maternys qui vise entre autres à "améliorer l'accueil des femmes dans les maternités" et à "répondre à la demande de démédicalisation et d'autonomie". Des cours sont également délivrés sur les thèmes des violences gynécologiques et obstétricales.
Mais beaucoup de praticiens n'ont pas conscience d'être maltraitants envers les patients. Alors, comment lutter ensemble contre ces violences dues au sexisme ordinaire ?
Rachel Lev rappelle que ce genre de violences peut concerner toutes les personnes consultant en gynécologie et qu'il ne faut plus passer ces faits, gestes et actes sous silence.