"Je veux jouer au Blue Whale Challenge", "Bonjour, comment on fait pour jouer au Blue Whale Challenge svp ?", "Cherche tuteur pour le Blue Whale Challenge".
Voici le genre de messages qui fleurissent depuis quelques jours sur les réseaux sociaux fréquentés par les ados (Ask.fm, le réseau russe VKontakte). Postés innocemment par des jeunes, parfois animés d'une simple curiosité ou étant à la recherche de sensations fortes, ces messages sont pourtant considérés à hauts risques par les associations d'écoute aux personnes en détresse psychologique.
Car le Blue Whale Challenge (le défi de la baleine bleue, un animal censé s'échouer volontairement sur les plages pour mourir, selon la croyance populaire russe) n'a rien d'inoffensif : apparu sur les réseaux sociaux russes il y a deux ans, il consiste à relever cinquante défis de plus en plus morbides. Les premiers semblent anodins, rapporte Le Monde : "écrire un mot sur ta main", "dessiner une baleine sur une feuille". Puis vient l'escalade : se réveiller en pleine nuit pour écouter une musique triste, regarder des vidéos de suicides, monter sur un pont ou sur le toit en pleine nuit, se frapper, se scarifier et se couper les lèvres. Jusqu'à la dernière étape : mettre fin à ses jours en se jetant du toit d'un bâtiment. Parrainés par un membre de la communauté, les adolescents relevant le défi de la baleine bleue doivent régulièrement poster des preuves de leurs avancées dans le challenge sur les réseaux sociaux.
C'est ce phénomène de groupe qui s'avère être le plus dangereux pour les adolescents fragiles, en quête de reconnaissance par les autres membres engagés dans le Blue Whale Challenge. C'est à celui qui ira le plus loin et donc réussira mieux les défis lancés. C'est cette "vision faussée du suicide, qui devient un simple jeu", qui inquiète particulièrement France Prévost, vice-présidente de SOS Amitié. "On pense que tout est possible. À partir de là, il y a deux cas de figure : ceux qui vont vouloir aller voir jusqu'où ils peuvent aller, puis seront rattrapés par la réalité, et les plus fragiles, qui avaient déjà des pensées suicidaires, qui auront plus de mal à distinguer ce qui relève ou non du jeu", explique-t-elle au Monde.
En Russie, les autorités sont sur le qui-vive depuis que deux adolescentes de 15 et 16 ans sont mortes après s'être jetées du toit d'un immeuble, relève Le Parisien. D'après le quotidien russe Novaïa Gazeta, 130 jeunes se seraient suicidés lors des six derniers mois à cause de "groupes de mort actifs sur le réseau social Vkontakt". Depuis, le réseau social russe a déclaré travailler conjointement avec les autorités pour mettre un terme au phénomène du Blue Whale Challenge et a "bloqué définitivement, sans droit d'appel" les communautés faisant l'apologie du Blue Whale Challenge, notamment la plus active, intitulée f57.
En France aussi, le Blue Whale Challenge semble fasciner les adolescents. Depuis le début du mois, les messages de jeunes – généralement des filles – cherchant un "tuteur" se sont multipliés. Cela correspond, selon Le Monde, à la médiatisation du défi dans les médias russes. "J'ai envie de tester, voir jusqu'où je peux aller", a expliqué Marco, 15 ans, à L'Obs, qui avoue "ne pas se sentir très bien dans sa vie".
Prenant de plus en plus d'ampleur en France, le Blue Whale Challenge ne serait pour le moment à l'origine d'aucun décès d'adolescent dans l'Hexagone. Ce qui n'a pas empêché les autorités de réagir. Sur Twitter, la police nationale a diffusé un message pour mettre en garde les adolescents. Facebook et Instagram ont aussi mis en place des systèmes de prévention du suicide en bloquant certains hashtags et en donnant aux internautes la possibilités de signaler des contenus affiliés au Blue Whale Challenge.
Mais la meilleure prévention contre ce challenge dangereux et malsain vient sans doute des adolescents eux-mêmes. Sur Twitter, ils sont des centaines à dénoncer la gravité de se lancer dans le Blue Whale Challenge et à interpeller d'autres internautes s'étant mis au défi de le relever. Certains ont même créé en représailles le #PinkWhaleChallenge et le #HappinessChallenge, avec des défis célébrant la vie à relever.