En apparence, les photos avant/après ont quelque chose de motivant. Popularisés par les reines du fitness comme Kayla Itsines et Sonia Tlev, ces montages sont plus ou moins identiques. Sur la première photo, une jeune femme apparaît avant d'avoir commencé son régime et son nouveau programme sportif. Elle est parfois "rondouillette", ou en tout cas peu musclée. La deuxième photo met en avant sa transformation. Adieu poignée d'amour et fessier raplapla, bonjour corps ultra tonique. Ce concept a de quoi retourner complètement notre cerveau. Car en nous vendant des silhouettes amincies et musclées en un rien de temps, les adeptes de la fitspo nous renvoient directement à notre propre corps, qui lui, est généralement loin d'être parfait. Sur Instagram, les activistes body positive sont de plus en plus nombreuses à s'élever contre cet art de la mise en scène, démontrant qu'il suffit de la bonne pose ou de la bonne lumière pour afficher un corps aminci.
Mais si le concept des photos avant/après se cantonnait il y a encore quelques temps au petit monde du fitness, des jeunes femmes souffrant de troubles alimentaires l'ont peu à peu repris à leur compte pour documenter leur guérison. Pour ces Instagrammeuses, s'adonner à ces montages est une façon saine d'accepter enfin leurs corps. Surtout, en partageant ces clichés sur Instagram, elles ont l'impression de faire partie d'une communauté et donc, d'être soutenues. Mais en détournant le concept des photos avant/après, ces jeunes femmes se font-elles réellement du bien ? Lexie Louise, une activiste body positive de 22 ans n'en est pas si sûre. C'est pour cela qu'il y a quelques semaines, elle a lancé la campagne #BoycottTheBefore sur Instagram.
Dans un post daté du 17 février, elle explique pourquoi ces montages peuvent être finalement plus malsains qu'ils n'en ont l'air : "Quand on commencent à peine à voir le bout de la maladie, on peut être tenté de comparer sa taille et son poids à ceux des autres. On peut même se demander : 'Est-ce que je suis assez malade pour demander de l'aide ? Parce que la personne en photo a l'air d'avoir besoin plus d'aide que moi'.
Ces photos montrent uniquement une croissance physique. Croire que les personnes qui souffrent de troubles alimentaires sont forcément en sous poids est encore une idée fausse très répandue. Cela renforce l'idée que l'on peut voir qui est malade. La vérité, c'est que nous ne disons pas toute la vérité quand nous partageons ces photos. Il y a des personnes qui sont en voie de guérison qui ne se sentent pas à l'aise à l'idée de partager des photos comme ça. Et puis il y a des gens en voie de guérison qui ne se retrouvent pas dans ces changements physiques impressionnants".
Avec sa campagne #BoycottTheBefore, Lexie Louise souhaite démontrer que les troubles alimentaires ne touchent pas seulement au physique, ils s'insinuent aussi dans la tête des personnes malades. Mais en misant sur "des changements physiques impressionnants", les photos avant/après laissent de côté celles et ceux dont la souffrance est invisible à l'oeil nu. Qui plus est – comme chez les accros du fitness – ces montages appellent à une sorte de validation de la part des autres et mettent en place une compétition. "Votre maladie est bien là même, que votre corps en soit le témoin ou pas. Moi-même étant en voie de guérison, je comprends pourquoi nous postons ces photos. Nous les postons pour nous souvenir que nous ne voulons plus être malades. Nous les postons pour que les autres voient la torture mentale contre laquelle nous luttons à l'intérieur. Mais le fait est que nous n'avons rien à prouver. (...) Nos maladies sont réelles. Nous n'avons pas besoin de le prouver à qui que ce soit", écrivait-elle déjà en décembre.
Depuis le lancement du mouvement #BoycottTheBefore, plus de 1 000 photos ont été partagées sur Instagram et de nombreuses jeunes femmes ont remercié Lexie Louise pour son initiative. Le mannequin Iskra Lawrence, qui avait déjà parlé publiquement de son combat contre les troubles alimentaires, a également participé au projet. Sur son compte Instagram, la jolie blonde a expliqué à ses 3,2 millions d'abonnés que si elle avait souvent posté elle-même des photos avant/après, elle "avait souvent ressentie une sorte de pression", comme si elle avait besoin "de ces photos pour valider sa maladie". Bien qu'elle ne soit pas contre ces montages, elle estime : "Nous n'avons pas besoin de prouver que nous luttons".