En deux décennies, on l'a regardé plus de fois qu'on ne pourrait les compter. Le long-métrage de Robert Luketic est un peu notre repère face à l'adversité : une bulle toute rose, toute douce et ultra-glamour qui véhicule des messages anti-patriarcaux puissants provoquant chez nous un ferme hochement de tête d'approbation. Et un sentiment familier qui nous met du baume au coeur par la même occasion.
Pourtant, c'était pas gagné. L'histoire emprunte, à première vue, les codes pas franchement déconstruits des comédies romantiques classiques.
On y suit Elle Woods (Reese Witherspoon), une jeune femme présidente de sa sororité qui, après une déception amoureuse, décide d'intégrer l'école de droit de Harvard pour montrer à celui qu'elle aime qu'il s'est planté. Le goujat l'a larguée en lui lâchant quasiment mot pour mot qu'il serait plus crédible dans sa future carrière politique avec une femme plus intelligente que ce qu'il pense entrevoir de la blonde pétillante. De quoi alimenter, chez l'intéressée, une soif de reconquête dévastatrice.
Mais une fois sur place, tout change. Si l'ex occupe d'abord toutes ses pensées, Elle se découvre une passion dévorante pour la profession d'avocate, et s'investit corps et âmes dans un cas d'homicide dont elle défend l'accusée. Et nous, on prend exemple.
Parce que l'anniversaire (en retard de quelques mois) de La Revanche d'une blonde méritait qu'on s'y attarde, on a discuté avec Perrine Quennesson, journaliste et cinéphile aussi fan du film que nous, pour disséquer ce qui en fait une oeuvre engagée. Réponse.
Notre première question est forcément orientée : le mot "féministe" peut-il lui être attribué ? "Oui", affirme sans détour notre interlocutrice. Nous voilà sur la même longueur d'onde. La spécialiste avance alors des arguments incontestables : la façon dont l'héroïne riposte à l'idée qu'on se fait d'elle, et aux stéréotypes auxquels on la réduit, ainsi que le comportement qu'elle adopte envers ses semblables.
"La Revanche d'une blonde met en scène une jeune femme soumise à nombreux clichés sexistes et machistes s'appuyant sur son apparence, qui va prouver qu'elle est bien au-delà de tout cela. Et puis, il y a quelque chose de l'ordre de la sororité", constate Perrine Quennesson. "Elle combat les clichés mais il y a aussi de l'entraide avec les femmes qui l'entourent. Elle n'est ni manipulatrice ni mal intentionnée, c'est une vraie gentille. Même avec son 'ennemie' sentimentale, Vivian (jouée par Selma Blair, ndlr), avec qui elle va rapidement devenir amie. Ovaries before Brovaries", sourit-elle.
C'est vrai que ça aussi, c'est un détail qui fait sortir le long-métrage du lot : le scénario ne sombre pas dans une misogynie intériorisée usée jusqu'à la corde et réussit à ne pas opposer - ou en tout cas pas longtemps - deux femmes entre elles pour les beaux yeux d'un mâle.
"Au début, ces personnages sont définis par un garçon", ajoute Perrine Quennesson. "Mais au fur et à mesure, elles vont agir par et pour elle-même et non par rapport à lui. Ce que des films comme Lolita malgré moi ou Dix bonnes raisons de te larguer ne font pas vraiment, si l'on compare aux teen movies de la même époque."
Elle poursuit : "En termes d'originalité pure et dure, La Revanche d'une blonde mettait en place tous les signaux pour être une énième comédie romantique, puis elle les déconstruit tout du long. Elle déconstruit également les systèmes de classe, notamment par son amitié avec Paulette (Jennifer Coolidge, ndlr), elle est consciente de son privilège mais ne l'appuie pas ne le rejoue pas en permanence. Par ailleurs, faire de l'héroïne celle qui, habituellement, serait la méchante - une présidente d'une sororité d'université - c'est déjà un parti pris original."
Selon la journaliste, ce film sorti en 2001 porte des valeurs qu'on retrouve en 2021, et qui s'inscrivent au coeur des luttes féministes actuelles. "L'idée de la sororité, de l'entraide et de la bienveillance principalement", insiste l'experte. "Elle Woods est un personnage terriblement bienveillant, elle est même avant-gardiste sur ce point-là." Ça, et le traitement "moderne" de l'agression sexuelle dans la sphère professionnelle à laquelle la jeune femme est confrontée, qui voit le système d'inversion de la culpabilité épinglé, et la victime ne pas être celle qui subira les conséquences de l'acte.
Mais surtout, Elle Woods incarne la possibilité pour les femmes de ne pas avoir à choisir entre qui elles sont et leurs ambitions.
"C'était le bon message et le bon personnage féministe pour arriver au bon moment", estime dans les colonnes du New York Times la scénariste Kristen Smith, interrogée à l'occasion des 20 ans. "Il expose clairement ce qu'il est : la contradiction [que] vous pouvez être une femme qui se bat pour être entendue avec un point de vue très clair, qui est très forte et intelligente et aussi drôle, amusante et intéressée par différentes choses, la mode et la loi."
Une protagoniste inspirante au-delà de l'écran, "une héroïne féministe qui n'a pas eu à renoncer à ses qualités et à ses activités traditionnellement féminins pour être considérée", écrit la journaliste Delia Harrington. Et Angela McCarthy, avocate britannique, peut en attester mieux que personne.
"Lorsque j'ai passé mon baccalauréat et que j'ai réfléchi à mon avenir, j'ai toujours voulu que ma carrière ait un impact sur la vie des gens et que je puisse aider les autres aux moments les plus importants de leur vie", explique-t-elle à Stylist. "Quand je l'ai regardé pour la première fois, j'ai probablement pensé 'c'est exactement ce que je veux faire'. Je voulais aller au tribunal, démêler des affaires et défendre les gens." Elle lance : "Il y a juste quelque chose dans [La Revanche d'une blonde] où tout semble possible." Un sentiment que Perrine Quennesson aussi, partage.
Bien des années plus tard, la magistrate reconnait : "J'adore toujours ce film". Tellement d'ailleurs, qu'elle passe le flambeau à la jeune génération, signe de son caractère éternellement pertinent. "Je le regarde avec ma nièce de 15 ans, Polly, et elle l'adore aussi". Et de confirmer : "Cela montre bien que les messages d'émancipation féminine [du film] ne seront jamais démodés." Tant mieux.
Ne reste qu'à espérer que le troisième volet, prévu en salles en 2022, soit au niveau.