Elles sont trois, portent des robes et des cagoules, possèdent des super-pouvoirs et sont d'origine éthiopienne. Voici l'idée originale de la web-série animée "Tibeb Girls" (ou en français, "filles de la sagesse"), créée par l'Éthiopienne Bruktawit Tigabu. Dans la vie de tous les jours, Fekir, Tigist et Feteh- c'est ainsi qu'elles s'appellent- sont des femmes normales. Mais quand leur route croise celle d'une jeune Ethiopienne en détresse, elles enfilent leur costume et deviennent "Power Girl", "Empathy Girl" et "Whiz Kid Girl" ("enfant prodige").
Mais quels sont leurs pouvoirs, au juste ? "Elles peuvent voir dans le passé et dans le futur afin de changer le présent, ressentir ce que les émotions des autres et voler", explique la productrice Bruktawit Tigabu. Avec cette série, elle souhaite avant tout encourager les jeunes femmes de son pays à se soutenir entre elles. "Les Éthiopiennes doivent se soutenir, s'entraider, reconnaître leurs problèmes, et ne pas se laisser définir par eux. Je veux faire ressortir ce qu'elles ont de meilleur en elles", explique Bruktawit Tigabu au Monde.
Comme le rappelle la campagne Girl Up de la Fondation des Nations unies, une Éthiopienne sur cinq est mariée avant 15 ans, et seulement un peu plus du tiers des adolescentes et des jeunes femmes de 15 à 24 ans sont alphabétisées.
À travers cette web-série, la réalisatrice et productrice africaine, déjà auteure d'un programme éducatif pour enfants (le premier du pays), s'adresse surtout aux préadolescentes et aux adolescentes, pour les informer et les sensibiliser aux nombreux changements de leur corps auxquels elles devront faire face. "Les filles font face à tant de défis au quotidien... Elles n'ont pas le même accès aux soins et à l'éducation que les garçons", déplore Bruktawit Tigabu.
Dans l'épisode pilote traduit en amharique (langue parlée en Éthiopie), en anglais et en français, les super-héroïnes de "Tibed Girls" vont sauver une jeune femme, Hanna, d'un mariage forcé. Les autres épisodes aborderont également la question des violences conjugales et des menstruations, sujets qui restent tabous en Éthiopie.
En créant "Tibeb Girls", Lauréate du prix Rolex Award for Entreprise 2010, la réalisatrice dénonce les conditions de vie des femmes dans les zones rurales en Éthiopie. "En diffusant un programme qui examinera les pratiques néfastes et explorera la capacité des filles à relever ces défis, "Tibeb Girls" encouragera une culture de conversation entre les filles, les familles et dans l'ensemble de la communauté. "Tibeb Girls" est une approche innovante, évolutive et durable pour améliorer de manière considérable les conditions de vie des filles en Éthiopie", explique la productrice sur la page web du site de sa société Whiz Kids Workshop.
Actuellement, Bruktawit Tigabu et son équipe recherchent des distributeurs et des financements pour réaliser les prochains épisodes de "Tibeb Girls". La réalisatrice espère pouvoir diffuser son programme en Éthiopie, ainsi que dans d'autres pays d'Afrique. D'après Le Monde, le premier épisode avait été financé en partie grâce aux subventions de l'ONG américaine Rise Up et a coûté plus de 30 000 euros.