Les histoires d'amour finissent mal... En général ? Avec l'étonnant 99 Moons, le réalisateur suisse Jan Gassmann propose une vision sans filtre des sexualités alternatives, mais surtout une vraie love story qui s'écrit sans tabous à l'époque des "date", des "coups d'un soir" et des amours éphémères.
Une chronique qui parlera forcément aux nouvelles générations.
99 Moons nous raconte la rencontre entre Bigna, sismologue de 28 ans, et Frank, 33 ans, "clubber" invétéré. Deux insomniaques qui au milieu de leurs nuits vont se trouver d'une manière plutôt insolite : par le biais des jeux sadomasos qu'affectionne Bigna (notamment lorsqu'ils prennent place en plein parking).
Mais très vite, ces deux solitaires vont se revoir une, deux fois. Et plus si affinités. Si bien que le sexe cru se transforme peu à peu... En romance. Ce qui n'est pas sans inquiéter Bigna, qui calme très vite son crush : "Tu confonds sexe et amour !".
Cette phrase vous est certainement familière. Il faut dire que cette problématique n'a jamais été aussi vive ces dernières années, en pleine ère du polyamour et des relations libres, nouveaux schémas qui ont complètement fait exploser celui du couple tradi. Sans oublier évidemment le boom des apps type Tinder.
Epaulé par deux jeunes acteurs d'une spontanéité certaine, Valentina Di Pace et Dominik Fellmann, le cinéaste Jan Gassman prend justement le pouls de cette génération connectée un peu/beaucoup paumée qui se divertit régulièrement par les dating mais n'échappe pas, comme les précédentes, à la confusion des sentiments.
Cette dimension "Comment je me suis disputé ma vie sexuelle" nous fait passer de la nuit, omniprésente dans une première partie étouffante, au jour, dont la luminosité submerge soudain l'écran quand l'amour commence enfin à déployer ses ailes. Et d'une sexualité crue pleine de "kink" alternatifs (évidemment consentis) à une autre, tout aussi "cul" mais plus tendre : une façon de nous suggérer toutes les émotions contradictoires qui se déploient (aussi) au lit.
Autant d'éléments qui appuient une chose : oui, 99 Moons est bel et bien un film de son époque, forcément traversé d'interrogations sur la vie à deux et les sexualités, les émotions, l'amour, l'honnêteté, la communication avec l'autre. Bref, des enjeux omniprésents dans les créations féministes actuelles : on pense notamment aux épisodes du captivant podcast Le coeur sur la table de la journaliste Victoire Tuaillon.
Mais 99 Moons nous parle aussi d'une chose qui résonne tout autant dans nos têtes : l'ultramoderne solitude, cette rengaine du métro, boulot, dodo qui nous étouffe et nous oppresse, la manière dont les nouvelles technologies peuvent exacerber ce sentiment, et l'existence bienvenue d'issues de secours pour échapper à toute cette grande morosité ambiante.
Dépression personnelle, professionnelle, mais aussi climatique - comme le suggère directement la séquence d'ouverture et la profession de notre protagoniste. Au milieu de tous ces drames intimes et collectifs, évolue justement Bigna, une jeune femme qui assume sa liberté malgré ses incertitudes et son anxiété. Jeune héroïne en quête de repères dont l'on suivra minutieusement le quotidien pas toujours très feel good, mais aussi la passion qui viendra joyeusement bousculer cette monotonie. Pour le meilleur ? Suspense...
Une mélancolie traverse donc cette histoire de "boy meets girl" qui décline le romantisme à la mode d'aujourd'hui, avec beaucoup d'authenticité et de fougue. Laissez-vous tenter par ces 99 lunes.
99 moons, de Jan Gassmann
Avec Valentina Di Pace et Dominik Fellmann
En salles le 10 mai