Non, l'agriculture n'est pas l'apanage de paysans bourrus en quête d'amour hebdomadaire sur M6. Le monde agricole s'est largement ouvert aux femmes au cours des ces dernières décennies. Les quelque 691.000 visiteurs du Salon international de l'agriculture (SIA) 2015, qui s'est achevé hier, ont d'ailleurs pu croiser de nombreuses exploitantes dans les travées du Parc des Expositions de la Porte de Versailles, à Paris.
Rien d'étonnant lorsque l'on sait qu'aujourd'hui plus du quart des chefs d'exploitations agricoles françaises (27%) sont des femmes, selon un rapport de mars 2012 du centre d'études et de prospective du ministère de l'Agriculture intitulé : « Les femmes dans Le monde agricole ». Un pourcentage qui a presque quadruplé en 40 ans puisque les femmes ne représentaient que 8% des chefs et coexploitants en 1970. Ces derniers consacrent encore toutefois moins de temps à leurs exploitations ou coexploitaitons que leurs homologues masculins.
Une féminisation qui pourrait encore s'accentuer dans les prochaines années à en croire le profil des femmes agricultrices de moins de quarante ans. « Les jeunes exploitantes son beaucoup plus souvent diplômées du supérieur que leurs homologues masculins », indique le rapport. Et d'ajouter : « Le niveau de formation initiale des agriculteurs - et notamment celui des agricultrices - s'élève du fait (…) des exigences de plus en plus importantes quant aux diplômes nécessaires pour prétendre aux aides à l'installation ». De ce fait, on estime que dans une dizaine d'années, un tiers des exploitations seront dirigées par des femmes. 50% des femmes chefs d'exploitation de moins de 40 ans travaillaient à temps complet, en 2010, contre 70% chez les hommes.
Résultat, des disparités dans le montant des retraites d'agriculteurs entre les sexes : 784 euros par mois en moyenne pour les hommes, contre 552 euros pour les femmes. « Une disparité liée à une situation historique », explique Christiane Lambert, vice-présidente de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA). « Les agricultrices n'avaient pas de statut propre, elles étaient ayant droit de leurs maris agriculteurs qui cotisaient pour elles, sur des bases moindres », conclut-elle (voir vidéo ci-dessous). Une situation qui a évolué avec la loi d'orientation agricole de 1999 instituant le statut de « conjoint collaborateur », la reconnaissance professionnelle du travail des femmes d'agriculteurs et une amélioration de leur protection sociale.
Néanmoins, et malgré ces évolutions encourageantes, de nombreux préjugés demeurent au sein d'un monde encore largement machiste. « Il faut faire ses preuves. On nous attend beaucoup au tournant parce que les gens se demandent ce que va faire une femme à conduire un gros tracteur », confie à BFMTV, Céline, agricultrice de 37 ans installée à Val, dans les Deux-Sèvres.
Interrogé par L'Obs, le ministre de l'Economie, Emmanuel Macron, estime même qu'une parité dans le secteur « n'aidera plus les femmes mais protégera les hommes ! ». « Pourquoi ? poursuit-il, elles travaillent beaucoup, mais sont peu visibles, car traditionnellement, le travail de présentation des animaux (attraction phare du Salon de l'agriculture, ndlr), est réservé aux hommes ». Un manque de visibilité pointé par les exploitantes.
« C'est un monde de machos ! », assène Jeanine. Et cette avicultrice alsacienne de poursuivre : « Elles travaillent beaucoup, mais sont peu visibles. Les femmes nourrissent les animaux, font tout le travail d'aviculture, et ce sont les hommes qui vont présenter les bêtes aux expositions ». Rien de surprenant quand on sait que le mot « agricultrice » n'est entré dans le dictionnaire qu'à partir de 1960 et qu'il aura fallu attendre 28 ans de plus pour que ces dernières obtiennent un statut en leur nom propre.