"Les "viandards " sont-ils tous des machos ?". Voilà la question un brin provoc que pose une nouvelle recherche de l'Ifop pour Darwin Nutrition. Une interrogation plus subtile qu'il n'y paraît qui fait écho aux propos de Sandrine Rousseau. La députée EELV avait en août dernier suscité un déferlement de haine en appelant à "changer de mentalité pour que manger une entrecôte cuite sur un barbecue ne soit plus un symbole de virilité".
Une liaison entre consommation de viande et masculinité qui avait fait rager réacs et opposants politiques. Pourtant, c'est également cette équation que propose l'Ifop à travers une étude sur les rapports au genre et à la politique des amateurs de viande, démontrant notamment qu'un régime alimentaire hyper-carné "va parfois de pair" avec une vision ultra-conservatrice de la place de la femme.
L'étude de l'Ifop est riche en enseignements. D'après ses données, 78% des hommes s'occuperaient plus souvent du barbecue que leur conjoint·e - dont 41% de façon exclusive. 56% se diraient même "viandards". Et 18%, carrément "très viandard". 40% d'entre eux sont des consommateurs quotidiens de boeuf. 46% des hommes partagent de plus l'idée selon laquelle "ils s'occupent mieux du barbecue que les femmes".
Les très viandards seraient nombreux à être imprégnés de "stéréotypes sexistes" et témoigneraient d'une conception "beaucoup plus traditionnaliste de la famille", développe encore le rapport. Pour certains hommes, particulièrement de droite ou d'extrême droite, revendiquer son goût pour la viande pourrait être interprété comme "une forme de rejet d'un politiquement correct alimentaire qui remettrait en cause à la fois la tradition viandarde de leur territoire et la virilité des hommes attachés à un patrimoine culinaire très carné".
"Au final, l'analyse du profil des hommes 'hyper-sexistes', c'est-à-dire qui adhèrent à tous les stéréotypes sexistes testés par l'Ifop (4%), confirme l'idée selon laquelle un régime alimentaire hyper-carné va souvent de pair avec une vision conservatrice de la place de la femme dans la société. On récence ainsi un taux élevé d'hommes 'hyper-sexistes' dans les rangs des chasseurs (20%), des gros consommateurs de gibier (20%) et de viande de boeuf (15%)."
Par ailleurs, un peu plus d'un Français sur deux (55%) estiment que "manger de la viande rouge donne de la force et de l'énergie à un homme", ce qui montrerait que nombre d'hommes y voient encore un des seuls aliments aptes à donner de l'énergie nécessaire au développement de leur masse musculaire, comme le souligne l'Ifop.
Cependant, 32% des hommes qui se disent "très féministes" mangeraient de la viande "sans se soucier de la fréquence". Le phénomène outrepasserait donc quelque peu les clivages politiques et serait un enjeu de genre global. Selon l'Ifop, le régime alimentaire masculin serait encore largement dominé par le "dogme carniste". A peine 1% des hommes interrogés se dit végétariens et/ou végétaliens.
Directeur du pôle Genre, Sexualité et Santé Sexuelle à l'Ifop, François Kraus avance que la (sur)consommation de viande rouge ou de gibier peut aller de pair avec "un rapport très conservateur aux femmes, au monde et à la planète". Mais modère tout de même : "Attention, affirmer qu'un amour immodéré pour la 'barbaque' serait intrinsèquement lié à un sexisme débridé serait un raccourci trop facile". Question complexe donc.
"Dans certains milieux populaires, ruraux ou identitaires, afficher son goût pour ce symbole de force et de puissance est bien l'expression d'une forme de masculinité hégémonique, répondant sans doute à un besoin d'afficher symboliquement une virilité souvent mise à mal par un relatif échec social", détaille le directeur.
Et, donnée sans doute la plus étonnante : "Si les propos de Sandrine Rousseau sur la virilité du barbecue avaient fait l'objet de vives réactions, l'opinion des hommes s'avère beaucoup plus nuancée : 62% partagent le point de vue de la députée pour qui il faut déviriliser la consommation de viande cuite au barbecue."