La présentatrice et mannequin Chrissy Teigen a l'habitude d'aborder des sujets qui divisent, de lancer des conversations difficiles mais nécessaires. Il y a quelques semaines, elle avait notamment publié des images et de longs textes qui racontaient sa fausse couche, et le deuil de son petit garçon, Jack, décédé à la naissance. Des mots douloureux mais essentiels à la libération d'une parole encore trop censurée sur cet évènement vécu lors de 10 à 20 % des grossesses.
Le 29 novembre, elle s'est exprimée sur un autre domaine lié à la maternité : l'alimentation. Et plus précisément, la façon dont il faudrait, selon elle, "normaliser le lait maternisé" et arrêter le "biberon-shaming", ou le fait de culpabiliser les mères qui n'allaitent pas. Parce qu'elles n'en ont pas envie pour des raisons qui leur sont propres, ou, plus péniblement, parce qu'elles ne produisent pas assez de lait, ne peuvent pas combiner tétée et un traitement quelconque, par exemple.
"Ok, je vais dire quelque chose et vous allez tous en faire une affaire, mais voilà : normalisez le lait maternisé", écrit-elle dans un tweet. "Normaliser l'allaitement maternel est une chose tellement énorme et merveilleuse. Mais j'avais encore plus honte de devoir utiliser du lait maternisé à cause du manque de lait dû à la dépression post-partum et tout le reste".
Elle ajoute, énumérant toutes les causes qui peuvent justifier le fait de ne pas donner le sein : "Les gens ont des mères porteuses, les gens ont des difficultés à allaiter, et tout ce que l'on entend en tant que nouvelle maman anxieuse, c'est comment 'breast is best' ('l'allaitement est la meilleure option', ndlr)... Normaliser l'allaitement, c'est génial. Normaliser le lait maternisé, c'est bien aussi !"
Cette déclaration est essentielle tant elle insiste sur un point : si chaque option offre des avantages non négligeables, la façon de nourrir son enfant doit demeurer un choix. L'important étant qu'il·elle mange à sa faim, et que sa croissance se passe sans encombre.
Surtout, Chrissy Teigen insiste sur la détresse à laquelle font face celles qui ne réussissent pas à allaiter. Et livre son expérience personnelle. "Je me souviens d'avoir pompé très souvent, en mode haute pression, parce que je ne croyais pas que le lait allait dans leur bouche si j'allaitais. Cela me rendait folle au point que je ne pouvais en produire qu'une once (30 ml environ). Une once !"
"Le stress, combiné à la culpabilité de ne pas pouvoir faire ce qui est le plus naturel pour son propre bébé, c'est trop. Je ne sais pas pourquoi c'est devenu mon combat maintenant. Je me souviens juste de la tristesse que j'ai ressentie et je veux que vous sachiez que vous faites les choses bien si votre bébé est nourri".
Dans les réponses qu'elle a reçues, les avis sont partagés - preuve que cela reste une discussion sensible. Mais de nombreuses femmes la remercient chaleureusement. "Je n'ai jamais compris qu'on puisse culpabiliser les mères qui utilisent du lait maternisé au lieu d'allaiter. Les infirmières nazies de l'hôpital ont été horribles avec moi quand je leur ai dit que je n'allais PAS allaiter. Faites ce qui est bon pour vous et aimez vos enfants", écrit une jeune femme.
Une autre rappelle que "l'allaitement maternel exclusif (comme recommandé par l'OMS jusqu'à six mois, ndlr) est un privilège qui n'est pas accordé à la plupart des femmes qui travaillent". Une autre encore, confie : "J'aurais aimé le lire il y a un an. Je me suis enfoncée dans une profonde dépression parce que je ne pouvais pas allaiter mon bébé".
Auprès de Refinery29, la gynécologue-obstétricienne Heather Bartos revient sur le mantra "breast is best" et sa popularité qu'elle considère assez problématique. "Une femme se sent comme un échec si elle ne veut pas allaiter, alors que c'est son choix", déplore-t-elle. "Nous savons que l'allaitement est bon pour le système immunitaire des bébés et qu'il est également plus abordable financièrement - mais la pression exercée sur les femmes pour qu'elles allaitent peut provoquer un stress et une anxiété supplémentaires qui limitent encore plus la production", ajoute la spécialiste.
"Et la pression pour le faire pendant une année entière ? Ou plus ? C'est beaucoup pour les femmes qui reprennent leur carrière et doivent se réserver du temps pour tirer leur lait tout au long de la journée. Nourrir son bébé d'une manière particulière ne doit pas représenter un signe d'honneur ou une excuse pour mépriser les autres mamans". A bon entendeur.