Gros bad buzz pour Antoine Griezmann. Ce dimanche 17 décembre, l'attaquant de l'Atlético de Madrid a partagé sur Twitter une photo de lui grimé en joueur de basket de l'équipe des Harlem Globetrotters. "80's Party", a-t-il écrit en guise de la légende au cliché.
Le problème, c'est que le déguisement d'Antoine Griezmann n'a rien d'innocent. Le joueur de foot l'a appris à ses dépens. À peine avait-il posté la photo sur le réseau social que les commentaires lui demandant de le supprimer ont afflué.
D'après Les Inrocks, près de 5 000 réponses ont été associées au tweet en une heure, la plupart des internautes s'insurgeant de la pratique du "blackface" par Antoine Griezmann et rappelant à ce dernier que se maquiller le visage pour "se déguiser" en noir était purement raciste.
Comme le rappellent L'Obs et Buzzfeed, se grimer en personne noir n'a rien d'anodin puisque cette pratique puise ses racines dans l'Amérique – raciste – du XIXe siècle. À cette époque, les blackface sont monnaie courante dans des spectacles appelés "minstrel shows" au cours desquels des acteurs blancs se maquillent, dansent et chantent pour se moquer des Noirs. Ces spectacles où les personnes afro-américaines sont montrées comme étant "idiotes, incapables, vulgaires et dangereuses" coïncident avec l'institutionnalisation de la ségrégation raciale dans le Sud des États-Unis. À partir de 1876 et l'instauration de la loi Jim Crow (du nom du personnage principal noir et interprété par un acteur blanc des minstrels shows), Noirs et Blancs sont séparés dans les transports, les écoles ou encore les bibliothèques. Dans certains États comme la Floride, les mariages entre Noirs et Blancs sont aussi proscrits. "La moquerie (des minstrels shows, ndlr) devient alors un moyen supplémentaire pour la population américaine blanche d'asseoir sa domination sur une population d'esclaves qu'elle ne saurait voir libres", explique ainsi Buzzfeed.
Face à l'afflux de commentaires outrés de milliers d'internautes, Antoine Griezmann a tenté de se justifier en affirmant être "fan des Harlem Globetrotters et de cette belle époque" et que son déguisement était un hommage. Finalement, il a supprimé la photo et présenté ses excuses en reconnaissant que c'était "maladroit" de sa part.
Antoine Griezmann ignorait sans doute vraiment les origines racistes et colonialistes du blackface. Il n'empêche que cette pratique ne devrait plus exister en 2017. Comme le rappelle la journaliste de Buzzfeed Assma Maad, "une couleur de peau n'est pas un déguisement, surtout quand elle porte en elle des siècles d'esclavage et de racisme". Se déguiser en personne noire et, pour se faire, se foncer la peau avec du maquillage, c'est "essentialiser" le déguisement et "participer au renforcement des clichés qui l'entourent déjà", explique Pierre d'Almeida dans son article pour Buzzfeed.
"Je ne saurais identifier précisément le moment où j'ai compris que se permettre de se 'déguiser en Noir', c'était aussi avoir le privilège de ne pas l'être au quotidien. Quand vous êtes noir-e le temps d'une soirée, vous ne l'êtes pas à un entretien d'embauche, quand vous cherchez à louer un appart, ou quand vous faites vos courses, suivi-e par un vigile", poursuit le journaliste. Traduction : le jour où les discriminations envers les Noirs auront disparu en France, peut-être qu'il ne sera plus si inacceptable de se grimer en joueur de basket noir des années 80. Or, pour le moment, c'est loin d'être le cas.
Une prise de conscience que tout le monde n'a visiblement pas fait. Ainsi, le consultant sportif et chroniqueur chez Cyril Hanouna Pierre Ménès a apporté son "soutien" à Antoine Griezmann et dénoncé par ailleurs l'époque "de merde où la délation règne en maître".