C'est certainement l'une des grandes victoires du féminisme qu'il faudra retenir de cette tumultueuse année 2020. En Argentine, le combat des femmes pour le droit à l'avortement n'a jamais cessé. L'an dernier encore, les militantes argentines défilaient sur le tapis rouge de Cannes pour revendiquer le respect de leurs libertés. A leurs mains et leurs cous, l'on retrouvait toujours ce fameux foulard vert qui symbolise leur lutte.
Et cette mobilisation a payé. Le 11 décembre dernier, dans un climat houleux de débats citoyens et de protestations en série, les députés du Sénat argentin ont, pour la première fois, voté en première lecture un texte légalisant l'interruption volontaire de grossesse - ou "IVG". Plus précisément, cette loi autorise l'avortement jusqu'à la 14e semaine de grossesse. Et à raison de 131 députés en sa faveur contre 117 en sa défaveur, le "pour" l'a emporté. C'est un nouveau chapitre qui semble s'écrire pour l'Argentine, et ses citoyennes, femmes et filles.
"J'ai peu dormi, et la première chose que j'ai fait en me levant c'est de regarder le résultat du vote. J'ai pleuré de joie, je suis sortie sur mon balcon pour crier, j'ai parlé avec toutes mes amies, on s'est félicitées pour notre lutte. C'est incroyable", témoigne sur les ondes d'Europe 1 l'une d'entre elles, la jeune étudiante Florencia, fervente combattante pour l'égalité des sexes.
Une grande nouvelle donc, en attendant un résultat tout aussi crucial : l'approbation majoritaire du côté du Sénat. Et pour connaître les finalités de ce passage fondamental, il faudra encore attendre le 29 décembre...
Rappelons qu'il y a deux ans de cela, le Sénat avait justement rejeté une loi autorisant l'IVG pour toutes les femmes, et ce malgré le vote positif des députés argentins. Une mesure majeure qui prenait en compte le droit à l'avortement par-delà les "exceptions" restrictives (danger pour la santé de la mère, grossesse causée par un viol). Mais le vent semble enfin tourner dans le bon sens depuis l'annonce le 11 décembre à 7 heures du matin des résultats du vote à Buenos Aires. Une véritable révolution nationale dans un pays où, comme l'annonce Le Monde, l'IVG engendre "une fracture au sein de la société", entre militantes féministes et anti-avortement.
"Nous écrivons aujourd'hui un nouveau chapitre de l'histoire. Je suis émue par cette avancée collective qui nous appartient à toutes et à tous", a immédiatement approuvé la ministre des femmes Elizabeth Gomez Alcorta, suite à l'adoption de ce projet de loi à la Chambre des députés. La politicienne n'est pas la seule à partager ses émois. Dans les rues du pays, les manifestantes se sont massivement réunies pour exprimer leur joie, foulards verts - évidemment - brandis aux poings. Une célébration à la jubilation aussi populaire que communicative.
Il suffit d'ailleurs d'observer les abondantes réactions sur les réseaux sociaux pour s'en convaincre. "Je suis heureuse pour les femmes en Argentine... Il était temps, et il est l'heure. Quel combat ! Encore beaucoup de batailles à mener mais c'est un bel espoir", a témoigné l'élue socialiste et militante LGBT+ Amandine Barioz. "La légalisation de l'IVG en Argentine sera importante pour toute l'Amérique du Sud", a encore assuré l'écrivaine féministe argentine Charlie Luciana Peker à la militante Femen Inna Shevchenko. En attendant le Sénat.
En soutien, l'historienne Mathilde Larrère a quant à elle partagé une belle affiche du Mouvement pour la liberté de l'avortement et de la contraception (l'association française créée au début des années soixante-dix) en faveur du droit à l'IVG. Un émouvant hommage sororal s'il en est.