Aux États-Unis, la lutte pour le droit à l'avortement est un combat de chaque instant. Huit Etats parmi les plus conservateurs du pays - Arkansas, Idaho, Kentucky, Dakota du nord, Dakota du sud, Oklahoma, Nebraska et l'Utah - contraignent aujourd'hui les médecins à informer les femmes souhaitant pratiquer une IVG médicamenteuse de l'existence d'une pilule "inversant" leur avortement.
Un avortement médicamenteux se déroule en deux temps : il commence par la prise de mifépristone, qui bloque l'action de la progestérone - hormone nécessaire au maintien de la grossesse - et qui favorise les contractions de l'utérus et l'ouverture du col utérin. Puis, 36 à 48h plus tard, la prise de misoprostol, qui augmente les contractions et provoque l'interruption de grossesse.
Une pilule censée "inverser" l'avortement s'adresse aux femmes ayant changé d'avis après la prise de mifépristone, dont elle promet d'"annuler" les effets. Promue en 2012 dans un article écrit par le Dr George Delgado, un médecin de famille "pro-life" américain, celle-ci lui aurait permis - selon lui - d'inverser l'avortement médicamenteux de six femmes, rapporte le site mic.com.
Selon le médecin, cette pilule - composée de progestérone - permettrait donc de reprendre sa grossesse malgré la prise de mifépristone. Des propos qui, comme le soulignait en 2017 le Congrès américain des obstétriciens et gynécologues, ne peuvent en aucun cas être considérés comme une "preuve scientifique que la progestérone a entraîné la poursuite de ces grossesses."
Des chercheurs de l'Université de Californie, à Davis, ont enquêté sur la question cet été et ont publié leurs conclusions le 5 décembre dernier dans la revue Obstetrics and Gynecology. Ces derniers, qui avaient prévu de tester la méthode sur 40 femmes volontaires, ont été contraints d'arrêter l'expérience après que 12 femmes se soit prêtées au test. Parmi elles, trois d'entre elles ont souffert d'hémorragies sévères, poussant les scientifiques à stopper l'expérimentation pour des raisons de sécurité.
Sur ces trois femmes, deux avaient pris un placebo, l'une d'elles la pilule censée inverser l'avortement, souligne e-sante.fr. "Les patientes en début de grossesse qui utilisent uniquement de la mifépristone (la première pilule abortive, ndlr) peuvent présenter un risque élevé d'hémorragie importante" alertent les chercheurs en charge de l'enquête. "Les femmes qui utilisent la mifépristone pour un avortement médicamenteux, doivent savoir que ne pas prendre le misoprostol (la seconde pilule abortive, ndlr) pourrait entraîner une hémorragie sévère, même avec un traitement à la progestérone", confirme le professeur Mitchell Creinin, auteur principal de l'étude.
Cette méthode, dont les résultats n'ont jamais été scientifiquement prouvés, ne s'avérerait donc pas sans risques. Celle-ci continue pourtant à être promue par de nombreuses associations anti-IVG, dont la puisante Heartbeat International, qui a été jusqu'à mettre en place une hotline sur le sujet. Sur son site internet, l'association assure avoir aidé plus de 450 femmes à "annuler" leur avortement de la sorte. Des affirmations qui mettent donc aujourd'hui les femmes en danger.
Le droit à l'avortement reste aujourd'hui particulièrement menacé aux États-Unis, où de nombreux états conservateurs votent en faveur de lois interdisant ou durcissant l'accès à l'IVG dans le but de pousser la Cour suprême des États-Unis à intervenir. Désormais à majorité républicaine, celle-ci pourrait alors remettre l'arrêt Roe vs. Wade en question et revenir ainsi sur le droit à l'avortement à l'échelle du pays.