"Les condamnations et les peines infligées à Bill Cosby sont annulées et il doit être libéré". Ces mots à peine croyables font office de conclusion d'un arrêt de 79 pages écrit et diffusé par la cour suprême de Pennsylvanie, ce mercredi 30 juin. En septembre 2018, l'acteur de 83 ans, accusé par une soixantaine de femmes d'agressions sexuelles, avait été condamné à une peine allant de 3 à 10 ans de réclusion criminelle pour avoir drogué et agressé sexuellement Andrea Constand en 2004, seule victime pour laquelle les faits n'étaient pas prescrits au moment de la plainte.
La raison d'un tel revirement de situation ? La décision du premier procureur chargé du dossier en 2005, Bruce Castor, de ne pas poursuivre Bill Cosby au pénal pour manque d'éléments. Mais ce n'est pas tout, dans de complexes négociations pour obliger Cosby à témoigner dans une procédure au civil, rapporte 20 Minutes, le magistrat avait convenu à un accord verbal protégeant l'agresseur dans la même affaire. Or, explique cette fois l'AFP, ce témoignage a par la suite été retenu contre lui lors de son dernier procès, 13 ans plus tard.
"Quand un procureur prend une décision publique avec l'intention de peser sur les actions de l'accusé et que celui-ci le fait à son détriment [et parfois sur les conseils de son avocat], lui refuser le bénéfice de cette décision est un affront au principe fondamental d'équité", jugent ses avocats. Vers 14h30 heure locale de l'est américain (20h30 à Paris), Cosby est apparu devant chez lui, entouré de son équipe, ne prononçant aucun discours mais se contentant du "V" de la victoire.
Dans les rangs des victimes, l'heure est à la stupéfaction et au dégoût. L'avocate Lisa Bloom, qui représente trois plaignantes, a tenu pour sa part à préciser sur Twitter que Bill Cosby n'est en aucun cas "libéré parce qu'il est innocent" mais plutôt "parce qu'un procureur lui a promis, il y a des années, qu'il ne serait pas poursuivi". Une remise au clair nécessaire, et une nuance de taille.
Parmi les stars d'Hollywood - certaines ayant subi le harcèlement sexuel d'Harvey Weinstein - les voix aussi, s'élèvent. "Bill Cosby reste un violeur malfaisant", s'indigne Rosanna Arquette, "non, nous ne pouvons pas séparer l'homme de l'artiste". Rose McGowan souligne de son côté : "Je suis avec toutes celles qui accusent Bill Cosby en cette sombre journée".
"J'espère que cette décision ne va pas dissuader les victimes de signaler des agressions sexuelles", lance par ailleurs Kevin Steele, procureur à l'origine des poursuites au coeur du mouvement #MeToo. "Nous considérons toujours que nul n'est au-dessus de la loi, y compris ceux qui sont riches, célèbres et puissants". Malheureusement, le message passé par la cour de Pennsylvanie en 2021 semble bien pointer en ce sens. Celui d'une impunité totale, et dévastatrice.