Se poser tranquilou pour bouquiner, cela n'a rien de révolutionnaire. Et pourtant, le Silent Book Club pourrait bien vous prouver le contraire. Au coeur de cette initiative lancée par les deux amies américaines, Guenièvre de la Mare et Laura Gluhanich, beaucoup de (bonne) littérature, de la sororité et de la bienveillance. Que demander de plus ?
Depuis des années déjà, de nombreuses anonymes féministes ont remis au goût du jour la tendance si stimulante des clubs de lecture. L'occasion idéale pour recommander (et découvrir) de chouettes ouvrages, élargir son champ d'horizon et faire de belles rencontres. Oui mais voilà, pour beaucoup, la lecture, ça se fait en silence, point barre. C'est justement de cette conviction qu'est né il y a huit ans de cela le "Club de lecture silencieuse" : proposer (enfin !) un "bookclub" pour les plus introverti·e·s. Une jolie alternative, qui n'exclut pas pour autant l'échange et l'enrichissement personnel.
C'est d'ailleurs ce qu'assurent ses deux instigatrices au média Mother Nature Network : "Lire avec des ami·e·s enrichit nos vies et nous rend heureuses". Pour Guenièvre de la Mare et Laura Gluhanich, les clubs de lecture détournent trop aisément ses membres... du plaisir de la lecture, tout simplement. La faute aux livres que l'on a pas forcément terminés avant de venir (malgré de gros efforts de notre part) et d'une certaine injonction à la parlote qui en paralyse certain·e·s. D'où l'idée de ce Silent Book Club né à San Francisco : inviter quelques initié·e·s à se rencontrer à telle heure dans un lieu tranquille (une bibliothèque, un café) pour lire ensemble (et ce qu'ils souhaitent), durant une heure en moyenne.
Après cette lecture très "détente", libre aux lecteurs de sociabiliser ou, tout simplement, de continuer à lire. Le petit secret de ce bookclub est donc de recréer du lien social mais sans que celui-ci ne soit trop superficiel et "forcé". Inspirer un élan plus naturel et spontané, loin d'être antinomique aux sessions-lecture les plus cérémoniales. Participer à ce club pas comme les autres revient donc à s'installer dans un café cosy pour écrire, dessiner ou lire tout en profitant de l'ambiance sonore alentours. Sauf que cette fois-ci, vous êtes assuré·e de le faire avec des gens cool (comprendre, qui aiment les bons bouquins) et sans la moindre pression sociale.
"Ce club offre un espace aux personnes qui veulent sortir de leur maison et passer du temps avec des gens sympathiques. Vous avez un livre dans la main, il est donc très facile de parler de ce que vous lisez. Et quand vous arrivez à ce moment où vous n'avez rien d'autre à dire, il est tout à fait socialement acceptable de revenir à la lecture", détaillent Guenièvre de la Mare et Laura Gluhanich au site SF Gate.
Une lecture par ailleurs diablement mise en avant sur la page Instagram très fournie de l'initiative, où abondent les piles de livres, disposées sur les étagères des bibliothèques, entre deux cafés latte, ou même sur l'herbe. Et pas n'importe quels livres s'il vous plaît : La servante écarlate, Chère Ijeawele : Un manifeste pour une éducation féministe ou encore Nous sommes tous des féministes...
Dit comme ça, le concept ne paie pas de mine, et pourtant, il ravit celles et ceux qui suivent les tribulations du bookclub (et de ses très nombreux membres) sur les réseaux sociaux, toujours prêts à conseiller un livre ou à donner rendez-vous. Sur Twitter, le Silent Book Club déclare s'étendre dans pas moins de 200 villes à travers le monde. Carte à l'appui ! Résultats, même The Oprah Magazine (la revue de l'iconique présentatrice et femme d'affaires Oprah Winfrey) s'y est intéressé.
Du côté du site officiel de l'initiative. ses fondatrices mettent quant à elles l'accent sur les fondements du club : proposer un "happy Hour pour introverti·e·s". Plus que la lecture, c'est donc un changement des mentalités qu'elles prônent, en rappelant qu'être introverti·e n'a rien de dramatique et que, plus encore, c'est une force.
C'est d'ailleurs ce qu'avance le plus fameux livre de l'autrice Susan Cain, citée en exergue du site : Quiet: The Power of Introverts in a World That Can't Stop Talking (La force des discrets : Le pouvoir des introvertis dans un monde trop bavard en français). Car on peut tout à fait "faire communauté" sans être extraverti·e. Et passer du bon temps même, à bouquiner sans pour autant craindre l'absence de réflexions perspicaces ou la nécessité (si redoutée) du "small talk" - vous savez, ces interminables conservations "par politesse" qui servent juste à combler les blancs.
"Chaque fois que nous commençons à lire, il y a un moment de gêne. Et puis les gens se mettent à l'aise en quelque sorte. C'est comme s'il y avait une sorte de bourdonnement inaudible. Ils commencent à rentrer dans leurs livres, et la tranquillité s'installe", relate encore Guenièvre de la Mare du côté de SF Gate.
Une ambiance à la cool, d'autant plus que le Book Club prône l'inclusion, des individus comme des genres littéraires. Il y en a pour tous les goûts. Du côté du blog Read It Forward, Guenièvre de la Mare voit même là un bel exemple de "lecture lente". Une occupation qui n'est pas sans vertus. "Des études ont montré que trente minutes de lecture ininterrompue ralentissaient la perte de mémoire et réduisaient le stress. Dans notre monde éreinté de consommation d'images à l'infini, il devient de plus en plus difficile d'éteindre nos appareils et de se concentrer. L'ère de la distraction nous rend tous fous", explique-t-elle. La lecture doit redevenir un temps pour soi. Un peu de silence et de calme dans cette société bruyante, difficile de dire non.
Et ce "silence" justement, il faut en parler, partout. C'est tout du moins ce que recommandent les instigatrices du Silent Book Club sur leur site : "Nous encourageons les gens du monde entier à créer leur propre club de lecture silencieuse. Tout ce dont vous avez besoin est un ami, un café et un livre". On tente ?