Une « atteinte à la dignité des femmes ». C’est l’argument mis en avant par Nicolas Sarkozy pour justifier sa prise de position. Il l’a confirmé hier matin devant les membres du gouvernement. Des propos relayés par le porte-parole Luc Chatel qui a précisé qu’il s’agissait de « ne pas laisser dériver le phénomène », signe « d'un repli communautaire et d'un rejet de nos valeurs ». Il a par ailleurs souligné qu'il était porté en France par quelque 2 000 femmes.
Le président de la République est donc passé outre les recommandations des Sages du Conseil d’Etat qui s’étaient prononcés fin mars, jugeant une interdiction « générale et absolue » du voile intégral « sans aucun fondement juridique incontestable ». Ces derniers préconisaient alors une interdiction partielle, limitée aux services publics, banques, préfectures, bureaux de vote où l'obligation de maintenir le visage à découvert pouvait être justifiée par des exigences de sécurité.
Sans surprise, de nombreuses réactions ont émané, de droite comme de gauche. « Une faute intégrale » pour le député PS de Paris, Jean-Christophe Cambadélis, un « passage en force face à la Constitution » et une « loi de stigmatisation » risquant d'être « inapplicable » selon le député PS Pierre Moscovici.
Le Médiateur de la République, Jean-Paul Delevoye s'est également montré opposé au principe d'interdiction générale. « J'aime la loi, je n'aime pas l'interdiction générale » a-t-il déclaré.
Selon SOS Racisme, une loi d'interdiction totale serait « contraire à la Constitution et à la Convention européenne des droits de l'homme ».
Sihem Habchi, présidente de l’association Ni putes ni Soumises s'est félicitée de cette annonce du gouvernement. « C'est la victoire des femmes, c'est le début d'une nouvelle page pour l'émancipation des femmes des quartiers populaires ». De même, les deux pilotes de la mission parlementaire sur la burqa, Eric Raoult, député (UMP) de Seine-Saint-Denis, et André Gerin, député communiste du Rhône, ont salué l’annonce de Nicolas Sarkozy. « Je me réjouis que le gouvernement ait pris cette décision de projet de loi dans la continuité de la mission parlementaire", a déclaré André Gerin.
Le projet de loi, rédigé par Michèle Alliot Marie, actuelle garde des Sceaux, passera en Conseil des ministres après consultation des partis politiques et des autorités religieuses, puis sera discuté au Parlement. L’adoption de la loi est prévue avant l'été. Mais une interdiction générale est-elle applicable ? La mesure pourrait, en effet, être contestée d'un point de vue juridique. Le chef de file des députés UMP Jean-François Copé plaidait pour une proposition de loi qui, à l’opposé du projet de loi, évitait le passage devant le Conseil d'Etat. « Si la loi est votée, il y aura saisine puis censure du Conseil constitutionnel », a estimé Dominique Rousseau, constitutionnaliste. Une bataille juridique semble donc sur le point de s’engager. Mais François Fillon s'est dit « prêt à prendre les risques juridiques ».
La Belgique devrait justement devenir aujourd’hui le premier pays en Europe à interdire le port de la burqa dans les lieux publics. Les députés belges vont se prononcer sur une proposition de loi en ce sens.
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