"Le véritable voyage de découverte ne consiste pas à chercher de nouveaux paysages, mais à avoir de nouveaux yeux", écrivait non sans poésie Marcel Proust. Cette pluralité des regards, on la ressent à chaque révélation littéraire, quant notre esprit s'enrichit de nouvelles et stimulantes visions. Des découvertes et inspirations que nous offrent les beaux livres, ces opus qui concilient iconographie à foison et écriture immersive à souhait.
Des ouvrages à offrir pour mieux sensibiliser, émerveiller et réjouir - et parfois, un peu de tout cela à la fois, oui oui. Entre politique, photographies et sexe(s), en voici d'ailleurs sept qui risquent bien de ravir vos proches. Ou à glisser sur votre propre liste de Noël.
Black Power est un voyage riche de sens. Au gré des pages glacées abondamment illustrées de ce grand livre historique, on s'immerge au coeur des meetings de Martin Luther King et des concerts de Kendrick Lamar, fixant tour à tour le regard de Mohammed Ali, Toni Morrison et Barack Obama, d'une photographie classieuse à l'autre.
Brassant aussi bien l'étendue des luttes pour les droits civiques au milieu du vingtième siècle que les mobilisations révoltées du mouvement Black Lives Matter, les combats des activistes afroféministes et l'avènement éclatant de la culture afro-américaine au sein de l'industrie musicale, ce vaste livre déploie de vertigineuses variations d'un même slogan : le "black power", affirmation d'une identité plurielle et politique. Et puissante - forcément.
Black Power, par Sophie Rosemont
Editions GM, 192 p.
Le point d'exclamation importe. Car il est des plus pêchus et affirmés, cet enthousiasmant panorama des icônes les plus girl power et badass de la pop culture, qu'elles recouvrent les pages des comic-books, les affiches des films mainstream ou les celluloïds de nos dessins animés préférés. Ces figures emblématiques le sont pour de nombreuses générations. Elles ont pour noms Hermione Granger, Wonder Woman, Mary Poppins...
Mais aussi Jane Eyre, Lara Croft ou Matilda - oui oui, l'enfant prodigieuse imaginée par Roald Dahl. A l'heure où de grands studios comme Marvel ou DC donnent (enfin) le la aux (super) héroïnes, il fait bon se replonger dans les aventures de ces filles et femmes qui, toutes ensemble, synthétisent la complexité des féminités tel que l'envisage la fiction - entre valorisations empouvoirantes, ambiguïtés et de paradoxes donc. On en redemande.
Héroïnes !, par Laurent Juiller & Mélanie Boissonneau
Editions Larousse, 288 p.
Rien de plus contemplatif que les luxueux ouvrages de la maison d'édition Taschen - surtout lorsqu'ils ont trait au vaste champ des Beaux-Arts. Et plus encore aux archives - forcément étonnantes - du pape du Pop Art, Andy Warhol. Car le portraitiste "sériel" de Mao et Marilyn n'a pas simplement mixé à sa moulinette multicolore célébrités ou félins. Non, tout un pan de son oeuvre s'étend également sur les corps, la nudité... le sexe.
Et c'est précisément ce que regroupe cet énorme opus : pas moins de 300 esquisses du peintre entièrement dédiées à la beauté masculine, et plus encore à l'intimité sensuelle des hommes, silhouettes désirantes de beaux endormis. Ressort de ces abondants dessins une iconographie homo-érotique que d'aucuns ont pu comparer aux esquisses de Jean Cocteau. Une découverte à la fois esthétique et transgressive, d'autant plus qu'elle éclot de l'Amérique policée des années cinquante, bien loin d'accueillir à bras ouverts ces fascinants fantasmes.
Andy Warhol. Love, Sex, and Desire. Drawings 1950-1962, par Michael Dayton Hermann, Drew Zeiba & Blake Gopnik,
Editions Taschen, 392 p.
Entre textes (percutants) et portraits sépias, s'immiscent des silhouettes et des paroles, fortes : celles de la chanteuse Billie Holiday et de la cinéaste Alice Diop, de la romancière Maryse Condé et de la popstar Rihanna. Sans oublier la sportive Marie-José Pérec, la militante Angela Davies, l'essayiste afroféministe Audre Lorde...
Elles abondent, les icônes artistiques, poétiques et politiques dans ce panorama des "Femmes noires et libres" (dixit le sous-titre). Un livre d'histoire(s) d'utilité publique, notamment quand il donne à voir une facette trop inexplorée d'une société française qui semble ignorer à l'unisson son passé (esclavagiste) et celles qui contribuent à écrire son avenir - Assa Traoré, Casey, Christiane Taubira, pour ne citer que cet impressionnant trio. Ou quand une proposition éditoriale fait l'effet d'un acte militant. Nécessaire !
Des vies de combat, par Audrey Célestine
Editions Iconoclaste, 304 p.
Sous ce titre sensuel, une proposition qui ne l'est pas moins : nous balader dans l'univers des fleurs. Entre recettes et techniques, ce manuel à mettre entre toutes les mains nous initie à l'art floral, sous la plume d'un trio d'amies fleuristes et horticultrices urbaines. A l'heure des grands enjeux écologistes, s'attarder sur la vie et le métabolisme de cette nature poétique est déjà une forme d'engagement en soi. Poésie qui parcourt d'ailleurs les titres des chapitres, entre "Printemps, prends ton temps", "L'automne, à la vie, à l'amor" et "Eté, fleurs d'artifice"...
L'idée des trois autrices ? Participer "à l'émergence d'un nouveau végétal, respectueux des saisons, de la biodiversité et de l'humain". Une lutte que l'on espère pluri-générationnelle. On rejoint le mouvement ?
Désirée, de Mathilde Bignon, Audrey Venant & Masami Lavault.
Editions Tana, 192 p.
Qui est la mère Brazier ? Une véritable icône de la culture lyonnaise, cheffe cuisinière célébrée dans la France des années trente - et couronnée, notamment par les trois étoiles du Guide Michelin, à deux reprises. Ce beau livre autoproclamé "collector" vous propose de faire plus ample connaissance, par le biais d'un travail aussi bien biographique que savoureux. Une ode à l'art culinaire donc, mais surtout, la mise en valeur d'un parcours exceptionnel, la mère Brazier demeurant la seule femme à avoir obtenu le sacre suprême du Guide.
Les secrets de la mère Brazier, par Roger Garnier et Roger Moreau
Editions Solar, 288 p.
Que serait un beau livre sans la photographie ? O joie, c'est là le coeur des Authentiques, immersion vivace de la photographe Catherine Panchout au sein des ateliers de femmes artistes du 21e siècle, entre portraits et documentation. Avec, pour commenter ce gros plans sur les sensibilités féminines et féministes, la plume tout aussi vivace du critique d'art Yves Michaud. Un éclairage de celles qui trop souvent façonnent dans l'ombre.
Les Authentiques, dans les ateliers d'artistes du XXIe siècle, par Yves Michaud et Catherine Panchout.
Editions Flammarion, 200 p.