Portraits
Ces 7 femmes incroyables ont marqué l'histoire des sciences
Publié le 15 octobre 2015 à 13:00
Par Charlotte Arce | Journaliste
Iconique chimiste ayant reçu le Prix Nobel pour ses travaux sur le polonium et le radium, Marie Curie est heureusement loin d'être l'unique femme à avoir marqué de son empreinte l'histoire des sciences. À l'occasion de l'AdaWeek, première semaine dédiée aux femmes dans le numérique et les sciences, nous nous sommes penchées sur le destin de sept pionnières devenues, à force de travail et de courage, des as de la chirurgie, de la biochimie ou de l'informatique. Des domaines où il n'a pas toujours été bon d'être femme.
7 femmes inspirantes qui ont marqué l'histoire des sciences 7 femmes inspirantes qui ont marqué l'histoire des sciences© Getty Images
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Ada Lovelace, première informaticienne
Ada Lovelace © Alfred Edward Chalon

Qui a dit que les filles n'étaient pas douées en informatique ? Fille du poète Lord Byron – qu'elle n'a jamais rencontré – et de la mathématicienne Annabella Milbanke, Ada Lovelace était non seulement un crack en maths, mais elle est aussi celle qui a réalisé le premier programme informatique... en 1842 ! Chargée par un ingénieur italien de traduire son article à propos de la machine analytique de Charles Babbage, l'ancêtre de l'ordinateur, Ada fait bien plus qu'un simple travail de transcription : elle découvre, entre autre, un algorithme pour calculer les nombre de Bernouilli : le premier programme informatique est né.

La suite est plus tragique : malade, ruinée, Ada s'éteint des suites d'un cancer de l'utérus en 1852, à l'âge de 36 ans. Mais ses travaux ont considérablement marqué l'évolution de l'informatique aux États-Unis, où elle reste une figure tutélaire pour les femmes scientifiques. En 1979, le département de la Défense américain lui rend hommage en nommant son langage de programmation Ada. Son portrait apparaît aussi en hologramme sur les produits Microsoft. Et elle a donné son nom à l'AdaWeek, qui célèbre la place des femmes dans les STEM.

Francine Leca, première chirurgienne cardiaque
Francine Leca © Claude Truong-Ngoc

Née en 1938, Francine Leca est la première femme à être devenue chirurgien cardiaque en France. Spécialisée en chirurgie pédiatrique, elle est nommée en 1989 chef du service de chirurgie cardiaque de l'hôpital Laennec, avant de prendre la tête de l'hôpital Necker jusqu'à sa retraite, en 2006. Toujours active, Francine Leca partage désormais son temps entre la collecte de fonds, les voyages en Syrie ou au Yémen pour former des cardiologues et ses petits-enfants. Quand on lui demande si ça a été difficile de faire son trou en tant que femme, Francine Leca répond : "Vous croyez que les hommes se font des cadeaux entre eux ? Je me suis accrochée, c'est tout."

Valentina Terechkova, première cosmonaute
Valentina Tereshkova © Alexander Mokletsov

Avant Claudie Haigneré, avant même Neil Armstrong et Apollo 11, il y eut Valentina Terechkova, la première cosmonaute soviétique et à ce jour la seule femme à avoir effectué un voyage en solitaire dans l'espace. Née en 1937 en Russie, la petite Valentina a toujours eu la tête dans les étoiles. Alors qu'elle travaille dans une usine de textiles, elle est choisie à 18 ans par Khrouchtchev parmi 400 candidates pour suivre un entraînement de cosmonaute. Entraînée aux rudes conditions de survie dans l'espace, elle effectue son premier voyage en solitaire en 1963 dans une capsule Vostock 6 monoplace. Il durera trois jours et, à son retour, Valentina est couverte de gloire par sa mère patrie.

On apprendra bien plus tard qu'en réalité, le vol a été pour Valentina une calamité. Coincée dans une bulle d'acier de 2 mètres de diamètre, prise de terribles nausées, la jeune cosmonaute parvient à corriger in extremis la mauvaise trajectoire de la capsule, dont l'orbite autour de la Terre était de plus en plus large. À l'atterrissage, Valentina s'éjecte de la cabine et finit son périple au-dessus d'un lac russe, où elle réussit à ne pas se noyer. "J'ai pensé : 'mon Dieu, pour une fois qu'on envoie une femme, elle risque de se retrouver dans l'eau'", dira plus tard Valentina, dont il s'agit de l'unique voyage spatial.

Anne Chopinet, ingénieure
Anne Chopinet © Daniel Vaulot

Anne Chopinet est non seulement l'une des sept premières femmes à être entrées à l'École polytechnique en 1972, mais elle est sans doute l'une des plus brillants éléments de sa promotion. Aujourd'hui encore, elle demeure l'un des plus vibrants symboles de l'avancée de la condition féminine en France.

Née en 1953, Anne montre très tôt des prédispositions pour les maths. Après de brillantes études aux lycées Jules Ferry et Condorcet, elle s'inscrit à l'âge de 19 ans au concours de l'École polytechnique et se classe première à l'épreuve de mathématiques, la plus difficile. Major d'entrée, c'est elle qui, lors du défilé 14 juillet 1973, porte fièrement l'étendard de son école. Après trois ans d'études, elle devient ingénieure du corps des Mines, avant d'occuper des postes de premier plan au ministère des Finances, puis du Budget. Parallèlement, Anne Chopinet participe à la création de bourses d'études pour jeunes femmes scientifiques. Secrétaire générale au CNES, elle travaille ensuite chez Alsthom avant de devenir, de 1995 à 2000, conseillère technique auprès du président de la République Jacques Chirac.

Émilie du Châtelet, mathématicienne
Émilie du Châtelet © Quentin de La Tour

Encore aujourd'hui, il n'existe pas un livre de français ou d'histoire où il n'est question de Voltaire, éminent philosophe des Lumières et de son combat pour la tolérance et la liberté de pensée. C'est pourtant de sa maîtresse, Émilie du Châtelet, illustre et pourtant inconnue mathématicienne, qu'on a décidé de vous parler.
Née à Paris en 1706 dans une famille noble et cultivée, Émilie reçoit de son père une éducation "de garçon". Mais l'étude minutieuse des mathématiques, des langues – elle en lit couramment quatre – et de la philosophie ne l'empêchent certainement pas d'apprécier les frivolités de la Cour, où elle fait une entrée fracassante à 16 ans. Mariée deux ans plus tard au marquis du Châtelet, Émilie s'éprend en 1735 de Voltaire, qui a mainte fois admis être bluffé par sa supériorité intellectuelle. Isolée avec son amant de philosophe au château de Cirey, Émilie du Châtelet entreprend alors la traduction des Principa Mathematica de Newton, une somme indigeste qu'elle corrige agrémente de notes pour "rendre accessible au plus grand nombre les travaux scientifiques qu'elle considérait comme majeurs".

Brillante, intelligente, Émilie du Châtelet a pourtant un grand défaut : celui d'être une femme. À la Cour, où elle a toujours ses entrées, la mathématicienne se heurte à la jalousie des autres femmes, qui font tout pour la discréditer. Jugée sans talent, prétentieuse, voire complètement idiote, Émilie du Châtelet est pourtant aujourd'hui considérée comme l'une des plus grandes scientifiques de son temps et sa traduction des Principes mathématiques fait toujours autorité.

Rosalind Franklin, microbiologiste
Rosalind Franklin © Jewish Chronicle Archive

Comme la physicienne Lise Meitner, Rosalind Franklin aurait dû recevoir le prix Nobel pour ses radiographies au rayon X de l'ADN. Mais, en tant que femme, elle n'a jamais été récompensée par la prestigieuse Académie des Sciences suédoise. Née en 1920 en Angleterre, Rosalind reçoit très tôt un enseignement scientifique et se passionne pour la chimie. Doctorante à Cambridge, elle se lance dans l'étude de la structure de charbon, ce qui lui permet de décrocher un poste de chercheur dans le Laboratoire central des Services chimiques de l'État. Elle y apprend la cristallographie aux rayons X, c'est-à-dire la photographie d'atomes, qu'elle poursuit au King's College de Londres. Contrainte de faire équipe avec Maurice Wilkins – qui persiste à la traiter comme son assistante – c'est grâce à elle que Watson découvrira la structure à double hélice de l'ADN. Ce qui lui vaudra, à lui, un prix Nobel, tout comme à Wilkins, son goujat de collaborateur qui s'attribue son travail et ne la remerciera jamais. En 1958, Rosalind Franklin meurt prématurément d'un cancer des ovaires, ce qui la prive de facto d'un Nobel en médecine, le prix n'étant pas attribué à titre posthume.

Vera Rubin, astrophysicienne
Vera Rubin © American Institute of Physics

Si l'on sait aujourd'hui qu'un immense trou noir se meut au coeur de notre galaxie, c'est grâce à elle. Pourtant, Vera Rubin a dû batailler dur pour prouver qu'elle avait raison. Née en 1928 aux États-Unis, Vera trouve très tôt sa vocation : l'astrophysique. Lorsqu'elle présente en 1951 son mémoire à la Société américaine d'astronomie, ses travaux sur la rotation des galaxies dans l'Univers ne recueillent que moqueries et dédain par les vieux messieurs présents dans la salle. Pas décontenancée pour autant, Vera Rubin poursuit ses études avec une thèse, où il est question de la distribution des galaxies dans l'Univers. Allant à contre-courant de l'idée d'Univers homogène proposée par la théorie du big bang de l'époque, Vera se heurte une nouvelle fois à l'indifférence de ses confrères. Elle a raison de persévérer, puisque c'est grâce à elle que l'on sait désormais que 90% de la matière de l'Univers est composée de Matière noire. En 1981, elle est (enfin !) élue membre de la National Academy of Sciences et reçoit en 1993 la National Medal of Science.

Vous en voulez encore ? Découvrez d'autres destins d'héroïnes des temps modernes dans le Guide des métiers pour les petites filles qui ne veulent pas finir princesses (Éd. Fayard) de Catherine Dufour.

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